26 juillet 2007
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Origine du "Champ d'Asile"
L'article pourrait faire croire que le "Champ d'asile" serait né d'un désir de porter assistance aux réfugiés de
Saint-Domingue : "L'affaire du "Champ d'asile", en faveur des réfugiés de Saint-Domingue, est retracée", écrit Michel Rateau. En fait, le projet de fonder la coloniefrançaise du "champ d'asile" sur le continent américain n'a pas de rapport direct avec les événements de Saint-Domingue. De quoi s'agit-il en effet ? Voici ce qu'en écrit Pierre Larousse en son dictionnaire : "A la deuxième rentrée de Louis XVIII (après Waterloo, 18 juin 1815), beaucoup de Français, poursuivis par une réaction implacable, se réfugièrent aux États-Unis, où il leur fut accordé 100.000 acres de terrain sur le golfe du Mexique, entre les rivières del Norte et de la Trinité, pour y fonder une colonie. Ce lieu de refuge, cet établissement de proscrits, reçut le nom de "champ d'asile".
[...] Mais l'Espagne ayant revendiqué le terrain sur lequel s'étaient installés les colons, les États-Unis leur
donnèrent en échange un emplacement dans le pays d'Alabama sur les bords du Tombigbee. Ils y fondèrent l'État de Marengo, dont la capitale était Aigleville. Mais le manque de ressources ne leur permit pas de consolider la nouvelle colonie, et la plupart rentrèrent en France sous le ministère Decazes (1819-1820)".
"Aigleville", "Marengo"... Les colons du "champ d'asile" ne craignaient pas d'afficher leurs sympathies
politiques : ce sont des nostalgiques de l'Empire. La plupart sont en effet des "demi-soldes", ainsi qu'on a
appelé les 20.000 officiers de l'armée de Napoléon que Louis XVIII avait mis en position de non-activité, placés sous surveillance policière, limités dans leurs déplacements, réduits à une certaine misère quand ils n'avaient pas de fortune personnelle (car ne percevant que la moitié de leur solde). D'où le départ de certains pour les États-Unis. Les frères LALLEMAND, les promoteurs du premier "champ d'asile", étaient des généraux de la Grande Armée,de même LEFEBVRE-DESNOUETTES, qui a dirigé l'État de Marengo. Tous ces généraux avaient été condamnés à mort par contumace. Just GIRARD était (aurait été) aussi un militaire (capitaine).
Plusieurs avaient, en 1802, tenté de rétablir l'esclavage à St-Domingue, ainsi l'aîné des frères LALLEMAND,
Frédéric Antoine (1774-1839). Après Waterloo, il avait connu d'abord l'exil en Turquie, en Perse et en Egypte avant de s'embarquer pour les États-Unis en 1816. Son frère, Henri Dominique Lallemand (1777-1823), l'y avait précédé. Just Girard lui aussi serait arrivé en 1816.
Le "Champ d'asile" n'a donc pas d'abord concerné les Créoles. Dans l'article "Champ d'asile" du dictionnaire de Pierre Larousse, de même dans les articles qu'il consacre aux deux frères Lallemand, de même dans la"Biographie générale " de Firmin Didot, est évoquée la présence de militaires de tous grades et de toutes nationalités, français, italiens et polonais, mais jamais celle d'anciens colons de Saint-Domingue.
Date de naissance du "Champ d'asile" : le 21 décembre 1817 quand 350 colons sont réunis par les frères Lallemand avant d'aller s'installer sur le bord de la Trinité, à 90 kilomètres de la côte. L'époque est largement postérieure à celle où Toussaint-Louverture puis Dessalines ont chassé les Français de Saint-Domingue (les derniers en 1803).Ceux-ci, une quinzaine d'années plus tard, avaient eu le temps de retrouver ailleurs un point de chute. COLLIN,cnommé par Girard, avait été pendant dix ans gérant en Louisiane avant de rejoindre le groupe. Les de LEYRITZ, ancêtres de Saint-John Perse, étaient eux revenus en Martinique (à Pointe-Noire), dont ils étaient originaires.
De Martinique, ils repartiront s'installer en Guadeloupe, du côté de Petit-Bourg (1) : s'ils n'avaient pas réussi à
s'y établir, ils auraient très bien pu eux aussi repartir vers le "Champ d'asile". En fait, les ex-colons de Saint-
Domingue avaient essaimé dans toute la zone, notamment sur la côte américaine. A Baltimore par exemple est né le général comte Alexis de Leyritz, arrière-grand-oncle du poète. Autrement dit, les exilés de Saint-Domingue étaient au Texas, comme ils étaient un peu partout, et bien avant l'arrivée des exilés de France.