Le canal de l’Ourcq est un canal du bassin Parisien suivant dans un premier temps le cours de l'Ourcq, avant de s'en séparer à Lizy pour rejoindre directement Paris-la Villette.
Avec le canal Saint-Denis, le bassin de la Villette et le canal Saint-Martin, il constitue le réseau des canaux parisiens, long de 130 km et qui appartient à la Ville de Paris. Leur création est intimement liée à l'histoire de l'eau à Paris.
La rivière Ourcq prend sa source dans une prairie humide au-dessus de Fère-en-Tardenois dans le département de l'Aisne. A partir du petit village de Silly-la-Poterie, au lieu dit Port-aux-Perches au bord de la Forêt de Retz, commence la partie canalisée de la rivière. Cette petite rivière suit une large vallée et se jette dans la Marne, à Mary-sur-Marne, près de Lizy-sur-Ourcq, après un cours d'environ 87 km. Les travaux de canalisation ont détourné la rivière à partir de Mareuil. La majeure partie de son eau se dirige alors vers Paris par un canal en site propre, le canal de l'Ourcq proprement dit.
En entrant dans Paris le canal s'élargit dans la grande gare d'eau de la Villette. Il alimente alors le canal Saint-Martin et le canal Saint-Denis.
Les premiers travaux furent inspirés par les besoins de l'approvisionnement de la capitale en bois de chauffage et de construction tirés de la forêt de Retz, propriété sous l'Ancien Régime des familles de Valois et d' Orléans. Cette forêt fut un immense domaine de chasse mais surtout la source de revenus considérables. François de Valois, futur François Ier, réorganise la forêt pour y assouvir sa passion. Il crée la capitainerie des chasses de Villers-Cotterêts, fait percer les premières laies forestières, construire le château et capter les sources.C'est Léonard de Vinci qui aurait réalisé les premiers essais d'écluse à sas de France, sur la rivière de l'Ourcq. Après 1560 commence la canalisation de l'Ourcq, la construction de réservoirs dont les étangs de la Ramée et d'un système de flottage et d'écluses simples (des pertuis) permettant d'acheminer vers Paris les produits de la forêt. En 1661, les privilèges et péages de l'Ourcq sont attribués à Philippe d'Orléans, par Louis XIV, son frère. Cette mesure est à l'origine du "canal des Ducs", oeuvre de Louis de Régmortes au XVIIIe siècle.
Lorsque Paris était encore Lutèce, les habitants de l' Île Saint-Louis utilisaient l’eau fournie par la Seine. À l’époque gallo-romaine, lorsque la montagne Sainte-Geneviève fut habitée, la qualité de l’eau était médiocre et la population allait découvrir les thermes romains ou les bains publics en se romanisant.
Au IVe siècle, on entreprit donc la construction de l'aqueduc d’Arcueil, attribué à l'empereur Julien. Il amenait aux Thermes de Cluny les eaux de sources des coteaux de Rungis, de l'Hay, de Cachan et d'Arcueil par la voie romaine d’Orléans (actuelle rue Saint-Jacques). Il y avait aussi un second aqueduc qui longeait la Seine.
Après la chûte de Rome, les aqueducs furent en grande partie détruits. Les Mérovingiens, autant que les Carolingiens, puisaient l’eau de Seine, les sources de Belleville et du Pré-Saint-Gervais. Cela pendant quatre siècles. Les abbayes de Saint Laurent et de Saint Martin des Champs firent dériver les eaux des Prés Saint Gervais venant des hauteurs de Romainville et de Ménilmontant. Les religieux établirent auprès de leur couvent des fontaines.
Philippe-Auguste, en établissant les Halles de Paris, y fit arriver l'eau des Prés Saint Gervais pour la distribuer dans deux fontaines, dont l'une était celle des Innocents. Elle était d'abord placée à l'angle des rues aux Fers et Saint-Denis et adossée à l'église des Saints-Innocents. Elle fut reconstruite au milieu du marché en 1786 puis ensuite placée au milieu du square des Innocents.
Au début du XVIIe siècle, on construisit la pompe de La Samaritaine et on ordonna les travaux du nouvel aqueduc d'Arcueil.
Un grand nombre de nouvelles fontaines sont dues à Louis XIV mais globalement, malgré quelques travaux sous le Roi Soleil, le début du XVIIIe siècle ne fut marqué par aucune amélioration notable sur le volume d'eau par tête d'habitant : la ville grandissait et le débit était même inférieur à celui du XIIIe siècle ! Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos et ingénieur du canal du Midi, proposa déjà d'amener l'Ourcq à Paris par un canal navigable, jusqu'à l'actuelle place de la Nation. Sa mort en 1680 et la disgrâce de son protecteur Colbert firent avorter ce projet au demeurant fort coûteux.
Devant une telle situation, les milieux éclairés, Voltaire et Beaumarchais en tête, se mirent au travail. Le mathématicien Antoine Deparcieux proposa en 1762 de capter les eaux de l'Yvette, ce qui aurait donné 40 000 m3 supplémentaire d'eau potable et permis de nettoyer les rues et les quelques égouts qui en avaient bien besoin. Louis XV approuva le projet qui n'eut aucune suite…
Au cours de cette même période, en 1749, le Duc d'Orléans confia à l'ingénieur Louis de Régemortes la mission de moderniser les ouvrages de navigation de l'Ourcq. C'est ainsi que l'ingénieur dota la rivière de véritables écluses à sas en remplacement des pertuis et des bassins à portes marinières qui l'équipaient depuis l'origine. Ces travaux s'échevèrent vers 1756 avec la construction d'une grande écluse dans le parc du château de Lizy-sur-Ourcq, sur une dérivation artificielle de l'Ourcq.
En 1782, De Fer de la Nouerre proposa de détourner les eaux de la Bièvre ce qui avait le mérite de diminuer le devis de Deparcieux. Louis XVI appuya le projet, les travaux commencèrent en 1788 et furent immédiatement interrompus par l'action des puissantes corporations, mégissiers, tanneurs et teinturiers qui bordaient la Bièvre et voyaient déjà la rivière à sec.
Dès la fin du XVIIIe siècle, l'idée de Riquet fut reprise notamment par Jean-Pierre Brullée qui proposa la dérivation de la Beuvronne, un affluent de l'Ourcq, projet repris par l'académicien-abbé Charles Bossut et Solages qui avaient racheté les droits.
La Révolution stoppa tous les projets…
Georges Poisson raconte qu'en 1801 un projet à la fois utilitaire et architectural allait naître :
« Chaptal, dans ses mémoires, a essayé de s'en attribuer la conception. Il raconte que, un jour de 1801, se promenant dans les jardins de Malmaison avec Bonaparte, celui-ci lui déclara : "J'ai l'intention de faire de Paris la plus belle capitale du monde... Je veux faire quelque chose de grand et d'utile pour Paris. Quelles seraient vos idées à ce sujet ? — Donnez lui de l'eau. — Bah, de l'eau ! Plusieurs fontaines et un grand fleuve coulent dans Paris. — Il est vrai que des fontaines et un grand fleuve coulent dans Paris, mais il n'est pas moins vrai que l'eau s'y vend à la bouteille et que c'est un impôt énorme que paie le peuple, car il faut une voie d'eau par personne et par ménage, ce qui, à 25 sous la voie, fait plus de 36 francs par an, et vous n'avez aujourd'hui ni fontaines publiques ni abreuvoirs, ni moyen de laver les rues. — Quels seraient vos moyens pour donner de l'eau à Paris ? — Je vous en proposerai deux. Le premier serait de construire trois pompes à feu... Le second projet consisterait à amener la rivière Ourcq à Paris : cette rivière qui est à 22 lieues, verse ses eaux dans la Marne ; la Marne se vide dans la Seine ; de sorte que l'Ourcq peut être aisément amené au haut de la Villette, d'où ses eaux se répandraient dans Paris. — J'adopte ce dernier projet, envoyez chercher M. Gauthey, et dites lui de placer demain 500 hommes pour creuser le canal."
(Emiland Gauthey avait déjà montré avec brio son savoir-faire en matière de canaux en construisant, de 1783 à 1793, le Canal du Centre)
« Les choses n'allèrent pas tout à fait aussi vite, continue Chaptal, mais, le lendemain, Gauthey reçut l'ordre de se rendre sur les lieux et de parcourir la ligne pour faire un rapport. A son retour, le rapport fut approuvé et l'exécution ordonnée. On en estima approximativement la dépense à 12 ou 15 millions.
« Il est bien certain que Chaptal, entraîné par son animosité contre Bonaparte, a voulu dans ce passage, se donner le beau rôle : il l'a fait avec une maladresse naïve. Comment supposer que le Premier Consul, avec la clarté d'esprit qu'on lui connaît, ait pu, sur le simple énoncé d'un projet, en ordonner immédiatement l'exécution, sans se soucier des expropriations, sans savoir si les plans étaient prêts et à combien s'élèverait la dépense. Mais l'idée lui plut, il la mûrit et en mai 1802, une loi décida de capter les eaux de l'Ourcq et de les amener à Paris. »
Une fois le décret du 29 floréal an X (19 mai 1802) promulgué, les études pour le tracé du canal débutèrent rapidement : la première pierre est posée le 23 septembre. Le financement est pris sur le produit de l’Octroi, complété par une taxe sur les vins. Le décret ordonne l'ouverture d'un canal de dérivation de la rivière de l'Ourcq, vers un bassin de la Ville, situé près du village de la Villette; et l'ouverture d'un canal qui part de la Seine (au-dessus du bassin de l'Arsenal) et rejoint les bassins de partage de la Villette. Il passe par Saint-Denis, la vallée de Montmorency, et rejoint la rivière d'Oise près de Pontoise.
Bonaparte, qui avait le choix parmi de grands ingénieurs du corps des Ponts et Chaussées, nomma à la tête des travaux Pierre-Simon Girard, l'un des 160 savants qui l'avaient accompagné lors de la campagne d'Égypte de 1798. Cette nomination, purement politique, sera certainement à l'origine des incessantes querelles techniques dont l'ingénieur sera l'objet.
Le projet initial est soumis en janvier 1804. Il comporte la grande originalité de concevoir un canal à la fois navigable, et donc avec une vitesse de flux lente, et d'eau potable, pour lequel il faut absolument éviter les eaux stagnantes (tels dans les biefs d'écluses). Sa troisième fonction consiste à alimenter les canaux Saint-Martin et Saint-Denis, conçus en même temps dans le but d'éviter aux bateaux la dangereuse traversée de Paris par la Seine au courant vif et pas encore régularisée par les barrages qui seront construits au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Girard répond à ces trois contraintes antinomistes par des études de modélisation montrant l'intérêt d'une pente variable. Cette idée est combattue par les autres membres des ponts et chaussées, en particulier par son directeur, Gaspard Riche de Prony, mais les travaux ayant déjà commencé, un plan à deux pentes est retenu. Les multiples querelles font que Girard sera évincé à la Restauration.
Pour les travaux des canaux Saint Denis et Saint Martin, le choix se porte sur René-Edouard de Villiers du Terrage.
Dans un premier temps, le canal est creusé en direction de la Beuvronne vers Claye-Souilly, il connaît plusieurs éboulements dans la tranchée du Bois Saint-Denis vers Tremblay-en-France.
Après une mise en eaux du bassin de la Villette le 2 décembre 1808, le 15 août 1809 les eaux de la Beuvronne coulent à la fontaine des Innocents à Paris, puis le 15 août 1813, le premier bateau part de Claye-Souilly et arrive à la Villette.
Les travaux un temps stoppés à la chute de l'Empire, le gouvernement de la Restauration va confier la concession du canal en 1818 à la Compagnie Vassal et Saint-Didier. Elle doit terminer les travaux et entretenir le canal pendant 99 ans. En contrepartie, elle recevra les péages et les revenus, tandis que la Ville de Paris se charge de l’achat des terrains et verse une somme de 7 500 000 francs. C'est au cours de cette période que l'on s'aperçoit que la pente du canal est trop importante et le courant trop vif. L'ingénieur Emile Vuigner place alors sur son parcours cinq écluses à faible chute (autour de 50 cm) couplées chacune à un déversoir. Ses écluses sont constituées de deux sas jumeaux auxquels il donne un gabarit très bizarre : 58 m de long sur 3,20 m de large. Les grands bateaux dits marnois ne peuvent plus emprunter le canal, et un type nouveau de bateau, la « flûte d'Ourcq », de 28 m sur 3 et amphidrome, sera mis en chantier.
Le Canal Saint-Denis est ouvert à la navigation le 13 mai 1821, ce n’est qu’à la fin 1822 que la navigation est ouverte de Saint-Denis à Mareuil-sur-Ourcq, tandis qu’au-delà, l’Ourcq canalisée depuis le Modèle:XVIème siècle, et remanié par Régemortes puis par Girard reste en service. Les premiers bateaux venant de La Ferté-Milon arrivent au bassin de la Villette. Enfin, les premiers bateaux venant de Mareuil-sur-Ourcq entrent sur le canal Saint-Martin le 4 novembre 1825. Le réseau des canaux de Paris est ainsi achevé après 23 ans de travaux.
En 1866, un décret impérial est pris, autorisant le pompage dans la Marne pour parfaire le débit du canal de l’Ourcq en période d’étiage. On entreprend alors la construction de l'usine élévatoire de Trilbardou qui sera équipée entre autre de pompes et moteur hydraulique Sagebien et l'usine élévatoire de Villers-lès-Rigault, à Isles-Les-Meldeuses, avec une machine à roues turbines de Louis-Dominique Girard.
A la fin du XIXe siècle, la Villette, et ses deux bassins, est devenue l'un des principaux quartiers industriels de Paris. Le port permet l'arrivage de denrées alimentaires et de matières premières venant de différentes régions du monde. Il est alors un des principaux ports français.
En 1832, Paris fut touché par la grande épidémie de Choléra. Les Parisiens utilisant l'eau de l'Ourcq furent plus durement touchés, car les eaux usagées de la capitale et notamment de l'Hôtel-Dieu où se trouvaient de nombreux malades étaient déversées dans l'Ourcq.
Le gabarit initial du canal ne permettait qu'une navigation limitée, en raison de sa faible section qui ne permetait d’y affecter que des bateaux étroits et de faible capacité (50 à 90 tonnes). Ces flûtes d’Ourcq et demi-flutes de l'Ourcq ont des dimensions (28 m ou 14 m de longueur sur 3 de largeur), dérivées de celles des écluses installées sur le canal par Emile Vuigner, dont les sas n'étaient que de 58 m sur 3,20 m, comme nous l'avons dit plus haut.
Afin d'y remédier et d'adapter le canal aux évolutions des besoins, le canal fut élargi à la fin du XIXe siècle, puis, à nouveau de 1925 à 1934. Le canal est à grand gabarit depuis le « carrefour des canaux » (au débouché du Canal Saint-Denis à la Villette) jusqu'aux Pavillons-sous-Bois, et y accepte les bateaux de 1000 tonnes.
Afin de tenir compte des volumes d'eau supplémentaires nécessités par ces élargissements, l'usine élévatoire de Trilbardou fut agrandie, et bénéfia de l'installation d'une machine à vapeur comme source d'énergie. Cette usine, comme celle de Villers-lès-Rigault, fonctionne toujours.
D'autres travaux d'aménagements ponctuels du canal eurent lieu, tels que la création d'un port de 800 m. de long et 50 m de large à Pantin, bordé à l'époque de docks à alcool.
À la fin du XIXe siècle, une jonction par un plan incliné a été créée à Beauval, à l'amont de Meaux, entre la Marne et le canal, par Jules Fourier, entrepreneur en navigation, assisté des ingénieurs Sautter et Lemonnier, reprenant là une idée émise un siècle auparavant par l'ingénieur François Bossu. Cette installation a bien fonctionné plusieurs années, avant d'être abandonnée et démontée.
La navigation de commerce a cessé en 1962 sur la partie navigable du canal demeurée à petit gabarit. La navigation de plaisance a remplacé l'ancien trafic à partir de 1983.
La partie à grand gabarit du canal, dépourvue d'écluses sur 10 km, dispose de 4 ports de fret : les ports Sérurier, de Pantin, de Bondy et des Pavillons-sous-Bois.
Selon le site de la Ville de Paris, les ports des 3 canaux parisiens ont un trafic annuel d'environ 1.000.000 de tonnes constitué à plus de 90 % par des matériaux de construction, sables et graviers et de produits de démolition.
Afin de limiter les transports par camion, il est régulièrement proposé d'accroître le rôle de ces canaux à grand gabarit pour le transport fluvial. À ce sujet, on peut faire remarquer que l'implantation du Grand Stade de France à Saint-Denis n'est pas le fruit du hasard : la proximité du canal Saint-Denis a grandement facilité l'évacuation des gravats et l'approvisionnement en matériaux de construction, évitant un véritable engorgement routier de la capitale et de sa banlieue nord. Cette remarque vaut aussi pour la Bibliothèque François Mitterrand, implantée en bord de Seine pour les mêmes raisons.