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29 juillet 2007 7 29 /07 /juillet /2007 11:15

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En France, le coup d'État du 18 brumaire (An VIII, 9 novembre 1799) de Napoléon Bonaparte marque la fin du Directoire et de la Révolution française, et le début du Consulat.
Le coup d'État est fomenté dans la demeure de Joséphine de Beauharnais, rue Chantereine à Paris, à peu près à l'emplacement entre l'actuelle rue de la Victoire et la rue de Châteaudun.
Le schéma du coup d'État prévoit les opérations suivantes : Bonaparte aura le commandement en chef de l'armée pour le maintien de l'ordre dans Paris et dans les assemblées. On envisage de déplacer les assemblées à Saint-Cloud sous le prétexte d'un péril jacobin. En effet, depuis 1789, les assemblées se trouvent toujours sous la menace de la population parisienne. En déplaçant les assemblées, on s'assure que la population parisienne ne pourra pas intervenir. Paris est fermée et sous le contrôle de la police, toute entrée ou sortie est interdite. L'essentiel des évènements se déroule le 19 brumaire an VIII (10 novembre 1799) à Saint-Cloud. Les révisionnistes avaient envisagé une démission collective des députés du Conseil des Cinq-Cents mais les assemblées ont du retard car cette idée ne fait pas l'unanimité ; notamment deux Jacobins refusent de démissionner. Bonaparte s'impatiente et décide d'intervenir.
Sieyès souhaite renverser la Constitution de l'An III. Celle-ci ne pouvant être révisée qu'au bout de 9 ans, il lui faut imaginer un coup d'État. Pour cela, il utilise la complicité du Conseil des Anciens en prétextant un soulèvement menaçant la vie des députés, et les obligeant à se déplacer à Saint-Cloud. Il lui faut aussi un soutien militaire, qu'il trouve auprès de Napoléon Bonaparte, qui assurera le commandement des troupes de Paris ainsi que la garde du corps législatif. Puis, il fallait que le Directoire s'effondre pour permettre la rédaction d'une nouvelle Constitution. Sieyès, Roger Ducos et Barras démissionnent, et les deux autres directeurs, Moulin et Goyer, sont placés sous surveillance.
Le 17, à la pointe du jour, le commandant de Paris, les régiments de la garnison, les adjudants des quarante-huit sections furent invités à se rendre le lendemain à sept heures du matin dans la rue Chantereine située à l'emplacement actuel entre la rue de Chateaudun et la rue de la Victoire, où était la maison qu'habitait Napoléon Bonaparte. Cette réunion attendue depuis le retour du général en chef n'inspirait aucune méfiance ; à la même heure furent également convoqués tous les officiers sur lesquels on pouvait compter. Chacun d'eux, croyant comme le public que le général allait partir pour l'armée d'Italie, trouvait tout simple qu'on les eût convoqués pour leur donner des ordres.

18 brumaire an VIII (9 novembre 1799)
 
5 heures du matin
Les convocations à une réunion à 7 heures sont envoyées au Conseil des Anciens. On néglige d'en adresser à ceux qui semblent défavorables au coup d'État.

7 heures
Une foule d'officiers en grande tenue se presse devant le domicile de Napoléon Bonaparte, rue Chantereine (rebaptisée, en son honneur, rue de la Victoire). Napoléon Bonaparte les reçoit et leur fait un tableau très sombre de la France que les « pékins », les « avocaillons » ont menée au bord de la catastrophe.

8 heures
Séance du Conseil des Anciens aux Tuileries. À l'heure fixée arrivèrent tous ceux qu'on avait invités.
Un inspecteur de la salle déclare que les « anarchistes » sont prêts à renverser la représentation nationale et que, pour déjouer leur plan, il faut transporter les Conseils hors de Paris.
À huit heures et demie un messager du conseil des Anciens remit à Bonaparte le décret suivant qu'il fit lire à l'Assemblée. 
Après cette lecture, qui fut suivie du cri unanime de vive Bonaparte ! vive la République ! Le général en chef harangua les militaires présents.
Le décret est voté, les Conseils siègeront le lendemain à Saint-Cloud. Napoléon Bonaparte est nommé commandant de toutes les troupes et de la garde nationale de la 17e division militaire (Paris et banlieue).
Incontinent, les chefs des quarante-huit sections reçoivent l'ordre de faire battre la générale et de faire proclamer le décret dans tous les quartiers de Paris. Pendant ce temps-là, Bonaparte se rend à cheval aux Tuileries, suivi d'un nombreux cortège de généraux et de soldats.

9 heures
Admis avec son état-major dans le conseil des Anciens, il leur parle. Cette allocution, au moins singulière, pour ne pas dire plus, fut accueillie par de nombreux applaudissements, et le nouveau commandant général alla passer la revue des troupes.
Par ses ordres 10.000 hommes, commandés par le général Lannes, occupèrent les Tuileries ; les postes du Luxembourg, de l'École militaire, du palais des Cinq-Cents (Palais Bourbon), des Invalides, furent confiés à la garde des généraux Milhaud, Murat, Marmont, Berruyer.
Le général Lefebvre conserve le commandement de la 17e division militaire, et Moreau lui-même accompagne Bonaparte en qualité de son aide-de-camp.
Au palais du Luxembourg, les directeurs Louis Gohier et Jean-François Moulin constatent qu'ils sont abandonnés par les trois autres et « gardés » par le général Moreau. Ces diverses mesures furent prises avec tant d'adresse et de promptitude que, dès les dix heures du matin, le pouvoir des directeurs s'était évanoui comme une ombre.
Emmanuel-Joseph Sieyès et Roger Ducos, qui avaient été initiés dans les mystères du complot, se rendirent comme de simples citoyens dans le conseil des Anciens.
Barras, Gohier et Moulins voulurent d'abord faire quelque résistance, ils firent appeler le général Lefebvre pour lui donner des ordres. Celui-ci leur répondit, qu'en vertu du décret, il ne connaissait d'autre supérieur que le général Bonaparte.
Enfin, Bonaparte, entouré d'une foule de généraux et de soldats, s'adressant indirectement aux membres du pouvoir exécutif, les apostropha dans la salle du Conseil (des Anciens) par ces mots foudroyants.

11 heures
Dans le jardin des Tuileries, Napoléon Bonaparte apercevant Botot, le secrétaire de Paul Barras, lui adresse une allocution restée célèbre : « Qu'avez-vous fait de cette France que je vous avais laissée si brillante ? »

Midi
Le Conseil des Anciens se réunit au palais Bourbon (actuelle Assemblée nationale). Le président Lucien Bonaparte lit le décret de transfert à Saint-Cloud. Les Jacobins protestent en vain. Au palais du Luxembourg, Paul Barras signe sa démission. Emmanuel-Joseph Sieyès et Roger Ducos ont donné la leur.

14 heures
Napoléon Bonaparte et son état-major font garder par les troupes les points stratégiques de Paris et de la route de Saint-Cloud. Paris reste calme. La vie y continue comme à l'ordinaire.
Le directeur Moulin avait proposé à ses collègues de s'emparer de Bonaparte et de le faire fusiller, mais il apprit bientôt que l'exécution d'un coup si hardi n'était plus en son pouvoir ; un détachement envoyé autour du Luxembourg lui fit abandonner son projet. La propre garde du Directoire se mit, de son propre mouvement, à la disposition du héros de l'Italie et de l'Égypte, et les directeurs s'estimèrent heureux qu'on leur permît d'aller finir leurs jours dans l'obscurité et la retraite.

10 novembre 1799 - 19 brumaire an VIII
8 heures
Les députés, souvent accompagnés de leur famille, gagnent Saint-Cloud où l'animation est grande. Dans le parc, bivouaquent la garde du Conseil et une dizaine de compagnies de la 79e demi-brigade. Le général Jean Mathieu Philibert Sérurier, est chargé de la « protection » des Conseils. Dans le château, les ouvriers se dépêchent de disposer les bancs, les tribunes, les tentures. Au premier étage de l'aile droite du château, la galerie d'Apollon sert de salle de délibérations au Conseil des Anciens. Faute d'autres grandes salles, le Conseil des Cinq-Cents siège dans l'Orangerie, au rez-de-chaussée, bâtiment perpendiculaire au corps du château.

9 heures 30 ; Paris
Rue de la Victoire, Napoléon discute avec les officiers et les civils importants chargés de l'opération. Le succès n'apparaît pas certain.

11 heures ; Paris
Escorté par un détachement de cavalerie, Napoléon Bonaparte part pour Saint-Cloud.

12 heures 30 ; Saint-Cloud
Napoléon Bonaparte et son escorte arrivent au château de Saint-Cloud. Ils sont accueillis par des cris variés : « Vive Bonaparte » ou « Vive la Constitution ! » (par les opposants au coup d'État).

12 heures 30, à l'Orangerie du château
Lucien Bonaparte, président du Conseil des Cinq-Cents, ouvre la séance. Des Jacobins prennent d'abord la parole. On crie : « Point de dictature ! À bas les dictateurs ! Vive la Constitution ! » L'un d'eux fait décider que tous les députés devront prêter serment de « fidélité à la Constitution de l'an III ».

14 heures, galerie d'Apollon
La séance du Conseil des Anciens commence. Plusieurs députés jacobins demandent des explications sur le « complot » qui a causé le transfert à Saint-Cloud.

15 heures, dans un salon du château
Napoléon Bonaparte et Emmanuel-Joseph Sieyès s'impatientent. Napoléon est très mécontent d'apprendre que les Cinq-Cents doivent prêter serment à la Constitution.

15 heures 30, galerie d'Apollon
Les Anciens apprennent que trois directeurs ont donné leur démission. Ils demandent au Conseil des Cinq-Cents de désigner trente candidats. La séance est suspendue.
Napoléon Bonaparte suivi de ses aides de camp pénètre dans la salle. Il proteste contre ceux qui le traitent de « nouveau César », de « nouveau Cromwell », et disent qu'il « veut établir un gouvernement militaire ». Il prononce une harangue véhémente.
« — Et la Constitution ? lui dit en l'interrompant le député Linglet.
Napoléon Bonaparte répond qu'elle a été violée au 18 fructidor an V (4 septembre 1797), le 22 floréal an VI (11 mai 1798), le 30 prairial an VII (18 juin 1799). Napoléon Bonaparte tient un discours maladroit. Il proteste de son dévouement à la liberté. On lui demande de nommer les conspirateurs. Il répond en disant sa confiance dans le Conseil des Anciens et sa méfiance envers le Conseil des Cinq-Cents. « Où se trouvent les hommes qui voudraient nous rendre la Convention, les Comités révolutionnaires et les échafauds. » Il termine en menaçant de faire appel aux soldats et sort de la galerie.
Son discours est très mal perçu par les députés qui l'accusent de vouloir instaurer la dictature.

16 heures, à l'Orangerie
Après avoir prêté serment à la Constitution, les députés du Conseil des Cinq-Cents apprennent la démission du directeur Paul Barras. Ils discutent sur la manière de le remplacer.

16 heures 30
Napoléon Bonaparte entre à l'Orangerie dans la salle des Cinq-Cents, accompagné de quelques grenadiers. Au moment où il entrait, l'Assemblée procédait, dans la plus grande agitation, à l'appel nominal, pour que ses membres jurassent de nouveau de défendre la Constitution.
À la vue de Bonaparte et de ses grenadiers, les imprécations retentissent de toutes parts
On crie: « Hors la loi ! À bas la dictature ! Vive la République et la Constitution de l'an III ». Quelques faibles cris de « Vive Bonaparte » sont poussés.
Bonaparte croyant sa vie menacée, sort, entraîné par quatre grenadiers, sans pouvoir proférer une parole.

16 heures 35, petit salon attenant à l'Orangerie
Napoléon Bonaparte entre, y trouve Sieyès et lui dit : « Ils veulent me mettre hors la loi ». Emmanuel-Joseph Sieyès lui répond : « Ce sont eux qui s'y sont mis », et il ajoute qu'il faut faire marcher les troupes.

16 heures 30, à l'Orangerie 
Lucien Bonaparte, président du Conseil des Cinq-Cents, tente de défendre son frère, mais son discours est accueilli par des huées. Lucien Bonaparte quitte alors son siège et le cède à Jean-Pierre Chazal.
Dans un grand désordre, certains députés demandent la mise hors la loi de Napoléon Bonaparte, d'autres, qu'on lui retire son commandement des troupes, d'autres enfin, que Lucien Bonaparte reprenne la présidence pour mettre aux voix le « hors la loi » (qui donne à tout citoyen le droit de tuer celui qui est désigné par un tel vote).
Lucien Bonaparte reprend la présidence mais le tumulte continue. Lucien Bonaparte lève la séance en s'écriant : « Il n'y a plus ici de liberté. N'ayant plus le moyen de me faire entendre, vous verrez au moins votre président, en signe de deuil public, déposer ici les marques de la magistrature populaire. ». Sur ces entrefaites, un piquet de grenadiers envoyé par le généralissime entre dans la salle et l'enlève.

17 heures, le petit salon puis la cour
Bonaparte, sur la fausse nouvelle qu'il a été mis hors la loi, se précipite à la fenêtre et crie « Aux armes ! » Puis il passe dans la cour où il est rejoint par son frère, ils montent à cheval.
Lucien Bonaparte déclare que « L'immense majorité du Conseil est en ce moment, sous la terreur de quelques représentants à stylets […] qui se sont mis eux-mêmes hors la loi […] Vous ne reconnaîtrez pour législateurs de la France que ceux qui vont se rendre auprès de moi. Quant à ceux qui resteraient dans l'Orangerie, que la force les expulse. Ces brigands ne sont plus les représentants du peuple ; ils sont les représentants du poignard. »
Napoléon Bonaparte prend la parole : « Soldats, je vous ai menés à la victoire ; puis-je compter sur vous ? » Clameurs : « Oui, oui ! Vive le général ! ».
C'est Lucien Bonaparte qui va inciter les troupes à mettre de l'ordre dans les assemblées. C'est ce jour-là qui est à l' origine du « mythe du poignard » disant que certains députés voulaient poignarder Napoléon Bonaparte pour justifier une intervention de l'armée.

17 heures 30 ; L'Orangerie
Après le départ de Lucien Bonaparte, les députés ont continué à discuter dans le tumulte. Ils entendent des roulements de tambours et les cris de « Vive Bonaparte ».
Bonaparte n'a plus qu'un pas à faire et ses desseins sont accomplis : des soldats, par ses ordres, envahissent la salle de l'Orangerie, baïonnette au canon, et en font sortir de gré ou de force tous les députés qui s'y trouvent.
Le général Victor-Emmanuel Leclerc s'avance et dit : « Citoyens représentants, on ne peut plus répondre de la sûreté du Conseil, je vous invite à vous retirer. »
Après quelques répliques, Joachim Murat s'écrie : « Foutez-moi tout ce monde dehors ! ». La plupart des députés passent dans le parc par les fenêtres en abandonnant leurs toges.
Les images des députés sortant par les fenêtres et voulant poignarder Napoléon sont très répandues. Bonaparte est de fait l'homme de la situation qui fait basculer un coup d'État parlementaire en coup d'État militaire.
Des mesures sont prises par le secrétaire-général de la police Fouché, pour que les députés, en quittant Saint-Cloud, ne puissent immédiatement rentrer dans Paris, précaution qui avait pour but de les empêcher de reformer leur Assemblée dans cette ville populeuse.

18 heures 45 ; Galerie d'Apollon
Apprenant ce qui vient de se passer à l'Orangerie, le président Cornudet fait voter le décret suivant : « Le Conseil des Anciens, attendu la retraite du Conseil des Cinq-Cents, décrète ce qui suit : quatre des membres du Directoire exécutif ayant donné leur démission et le cinquième étant mis en surveillance, il sera nommé une commission exécutive provisoire, composée de trois membres. »
En outre le corps législatif est ajourné au 1er nivôse an VIII (22 décembre 1799). Une commission intermédiaire prise dans le Conseil des Anciens exerce pendant ce temps le pouvoir législatif.

19 heures, petit salon
Napoléon Bonaparte et Emmanuel-Joseph Sieyès ne sont pas satisfaits de ce décret qui considère que les députés du Conseil des Cinq-Cents ont disparu. Ils décident de réunir les députés de ce Conseil qui leur sont favorables et qu'on pourra retrouver.

21 heures, l'Orangerie
Une cinquantaine de députés du Conseil des Cinq-Cents ont pu être rassemblés. Lucien Bonaparte les préside.
Après cette victoire, Lucien propose au conseil des Anciens de réorganiser un nouveau conseil des Cinq-Cents, en éliminant ceux de ses membres qui tenaient opiniâtrement pour l'ancienne constitution.
La proposition est prise en considération ; la majorité des Cinq-Cents a lieu dans l'Orangerie, et l'exclusion de soixante et un députés est décrétée.
Les deux conseils abolissent d'un commun accord le gouvernement directorial ; une commission pour la révision de la Constitution est formée ; une commission consulaire exécutive, composée de Sieyès, Roger-Ducos et Bonaparte, hérite du pouvoir directorial ; les trois Consuls prêtent serment dans les deux conseils d'être fidèles « à la souveraineté du peuple, à la République une et indivisible, à la liberté, à l'égalité et au système représentatif. » La nation accepta ces promesses. Le même jour, les Cinq-Cents déclarèrent que les généraux et les soldats qui, le matin les avaient chassés de l'Orangerie, avaient bien mérité de la patrie.

11 novembre 1799 - 20 brumaire an VIII 
4 heures
Les Anciens et les Cinq-Cents présents désignent vingt-cinq membres de chaque commission. Les trois consuls (Napoléon Bonaparte, Emmanuel-Joseph Sieyès, Roger Ducos) prêtent serment devant elles.
Bonaparte déclare « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée, elle est finie. »

Dans la journée
Première décision importante du Premier consul : il nomme Martin Michel Charles Gaudin au poste particulièrement important de ministre des Finances. Celui-ci sera l'un de ses plus proches collaborateurs, puisqu'il assurera ces fonctions pendant tout le Consulat et tout l'Empire, du 11 novembre 1799 (20 brumaire an VIII) au 1er avril 1814, puis pendant les Cent-Jours, du 20 mars au 22 juin 1815.
Le Consulat est mis en place, un régime autoritaire dirigé par trois consuls, dont seul le premier détient réellement le pouvoir : la France entame une nouvelle période de son histoire en s'apprêtant à confier son destin à un empereur.

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29 juillet 2007 7 29 /07 /juillet /2007 10:57

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La campagne d'Égypte désigne l'expédition militaire en Égypte, menée par le général Bonaparte et ses successeurs de 1798 à 1801, afin de s'emparer de l'Égypte et de l'Orient, dans le cadre de la lutte contre la Grande-Bretagne, seule puissance à maintenir les hostilités contre la France révolutionnaire.
Elle se double d'une expédition scientifique, de nombreux historiens, botanistes, dessinateurs accompagnant l'armée afin de re-découvrir les richesses de l'Égypte. Elle est donc parfois aussi appelée expédition d'Égypte lorsque son coté scientifique moins martial est considéré.
Le 19 mai 1798 (30 floréal) le corps expéditionnaire français quitte
Toulon, mais des navires les accompagnent de Gênes, Ajaccio, Civitavecchia. Au total plus de 400 navires prennent part à cette flotte, ainsi que 40 000 hommes et 10 000 marins. La flotte s'empare tout d'abord de Malte le 11 juin, puis débarque à Alexandrie le 1er juillet.
Une des plus célèbres batailles de cette campagne est la Bataille des Pyramides qui a lieu le 21 juillet 1798.
C’est le régime du Directoire qui décide de l’expédition d’Égypte. Les directeurs qui assument le pouvoir exécutif en France ont recours à l'armée pour maintenir l’ordre face aux menaces jacobines et royalistes. Ils font appel au général Bonaparte, déjà auréolé de succès, notamment grâce à la campagne d'Italie.
Le but de l'expédition est longtemps resté secret : certains pensent qu’il faut éloigner un Napoléon Bonaparte trop encombrant et trop ambitieux ; mais il s’agit surtout de gêner la puissance commerciale britannique, pour laquelle l’Égypte est une pièce importante sur la route des Indes orientales. Comme la France n’est pas prête à attaquer la Grande-Bretagne de front, le Directoire décide l’intervention indirecte.
L’Égypte est alors une province de l’empire ottoman, repliée sur elle-même et soumise aux dissensions des Mamelouks. Elle échappe au contrôle étroit du sultan. En France, la mode égyptienne bat son plein : Napoléon Bonaparte rêve de marcher sur les traces d’Alexandre le Grand. Les intellectuels pensent que l’Égypte est le berceau de la civilisation occidentale et que la France se devait d'apporter les Lumières au peuple égyptien. Enfin, les négociants français installés sur le Nil se plaignent des tracasseries causées par les Mamelouks.
Le bruit court tout à coup que 40 000 hommes de troupes de terre et 10 000 marins sont réunis dans les ports de la Méditerranée ; qu’un armement immense se prépare à Toulon : 13 vaisseaux de ligne, 14 frégates, 400 bâtiments sont équipés pour le transport de cette nombreuse armée, dont la destination est toujours un mystère impénétrable : Où va-t-elle ? On ne sait. Pourquoi la Commission des sciences et des arts a-t-elle envoyé à Toulon 100 de ses membres pris dans chacune de ses classes ? Aurait-on l’intention d’aller fonder une colonie dans quelque terre éloignée ?
Le général en chef Bonaparte a sous ses ordres Berthier, Caffarelli, Kléber, Desaix, Lannes, Damas, Murat, Andréossy, Belliard, Menou et Zayonscheck, etc. Parmi ses aides de camp on remarque son frère Louis Bonaparte, Duroc, Eugène de Beauharnais, le noble polonais Sulkowski.
La grande flotte de Toulon avait reçu les escadres de Gênes, de Civitavecchia, de Bastia ; elle est commandée par l’amiral Brueys et les contre-amiraux Villeneuve, Duchayla, Decrès et Gantheaume.
On est sur le point d’appareiller et de partir, lorsqu’un incident de peu d’importance réelle vient tout suspendre et tout arrêter : le drapeau tricolore arboré sur le palais de France, dans la capitale de l’Autriche, par Bernadotte, ambassadeur de la République française, avait donné lieu à un tumulte dans lequel le caractère de l’ambassadeur se trouvait outragé, et Bernadotte avait quitté Vienne. Les avantages reconnus par le traité de Campo-Formio sont donc remis en question, et une paix glorieuse, obtenue après tant de combats et de sacrifices, semble rompue où l’on se flattait de la voir affermie pour longtemps.
Dans la crainte d’une rupture avec l’empereur, le Directoire ne voit qu’un homme, Bonaparte, qu’il fût prudent de lui opposer. Cependant, après quelques explications, les affaires s’arrangent et la paix est maintenue. Bonaparte reçoit ordre de se rendre à Toulon le plus tôt possible.
Bonaparte arrive à Toulon le 9 mai. Dix jours après, au moment de s’embarquer, s’adressant particulièrement à ses braves de l’armée d’Italie, il leur dit :
« Soldats ! vous êtes une des ailes de l’armée d'Angleterre. Vous avez fait la guerre des montagnes, des plaines et des sièges ; il vous reste à faire la guerre maritime. Les légions romaines, que vous avez quelquefois imitées, mais pas encore égalées, combattaient Carthage tour à tour sur cette même mer et aux plaines de Zama. La victoire ne les abandonna jamais, parce que constamment elles furent braves, patientes à supporter les fatigues, disciplinées et unies entre elles… Soldats, matelots, vous avez été jusqu’à ce jour négligés ; aujourd’hui, la plus grande sollicitude de la République est pour vous… Le génie de la liberté, qui a rendu, dès sa naissance, la République, arbitre de l’Europe, veut qu’elle le soit des mers et des nations les plus lointaines. » 
Le jour de son arrivée, il leur avait dit : Je promets à chaque soldat qu’au retour de cette expédition, il aura à sa disposition de quoi acheter six arpents de terre.
L’armée, pleine de confiance dans les talents de son général, s’embarque avec joie ; vingt jours après, elle se trouve devant Malte. Bonaparte n’avait certainement aucune raison légitime pour attaquer et prendre cette île de vive force ; il en allégue de futiles, et, grâce au peu d’attachement que la population avait conservé pour les chevaliers, il suffit de quelques coups de canon pour faire tomber la redoutable forteresse de La Valette au pouvoir des Français.
Bonaparte s’empare de Malte par la raison du plus fort, et surtout à cause de son importante position dans la Méditerranée.
Avant de quitter cette île, le général en chef fait mettre en liberté les captifs mahométans qui languissaient dans les bagnes de la religion. Il y avait dans cet acte, au moins autant de politique que d’humanité : on allait combattre contre des Musulmans, il fallait, autant que possible, se les rendre favorables par des procédés généreux. Treize jours après le départ de Malte, la flotte est en vue d’Alexandrie. Avant le débarquement, qui se fit immédiatement, le général avait adressé cette proclamation à son armée :« Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont mahométans ; leur premier article de foi est celui-ci : « Il n’y a d’autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète ». Ne les contredites pas ; agissez avec eux comme vous avez agi avec les Juifs, avec les Italiens ; ayez des égards pour leurs muphtis et pour leurs imans, comme vous en avez eu pour les rabbins et les évêques. Ayez pour les cérémonies que prescrit l’Alcoran, pour les mosquées, la même tolérance que vous avez eue pour les couvents, pour les synagogues, pour la religion de Moïse et celle de Jésus-Christ. Les légions romaines protégeaient toutes les religions. Vous trouverez ici des usages différents de ceux de l’Europe, il faut vous y accoutumer. Les peuples chez lesquels nous allons, traitent les femmes différemment que nous ; mais dans tous les pays celui qui viole est un monstre. Le pillage n’enrichit qu’un petit nombre d’hommes ; il nous déshonore, il détruit nos ressources ; il nous rend ennemis des peuples qu’il est de notre intérêt d’avoir pour amis. La première ville que nous allons rencontrer a été bâtie par Alexandre. Nous trouverons à chaque pas de grands souvenirs dignes d’exciter l’émulation des Français. » 
Menou, qui devait sortir le dernier de l’Égypte, y prend terre le premier. Bonaparte et Kléber débarquent ensemble et le joignent dans la nuit au Marabou, sur lequel est planté en Afrique le premier drapeau tricolore. Le général en chef, instruit qu’Alexandrie a l’intention de lui opposer de la résistance, se hâte de débarquer, et à deux heures du matin, il se met en marche sur trois colonnes, arrive à l’improviste sous les murs de la place, ordonne l’assaut ; l’ennemi cède et fuit. Les soldats français, malgré l’ordre de leur chef, se précipitent dans la ville, qui n’a pas le temps de capituler et se rend à discrétion.
Une fois maître de cette capitale, et avant de pénétrer plus avant sur le sol égyptien, le vainqueur adresse le 1er juillet une proclamation aux habitants musulmans d’Alexandrie.
« Depuis trop longtemps les beys qui gouvernent l’Égypte insultent à la nation française et couvrent ses négociants d’avanies. L’heure de leur châtiment est arrivée. Depuis trop longtemps ce ramassis d’esclaves, achetés dans le Caucase et la Géorgie, tyrannise la plus belle partie du monde ; mais Dieu, de qui dépend tout, a ordonné que leur empire finisse. Peuple de l’Égypte, on vous dira que je viens pour détruire votre religion, ne le croyez pas ; répondez que je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte Dieu, son prophète et le Coran plus que les Mameloucks. Dites-leur que tous les hommes sont égaux devant Dieu ; la sagesse, les talents, les vertus mettent seuls de la différence entre eux… Y a-t-il une plus belle terre ? elle appartient aux Mameloucks. Si l’Égypte est leur ferme, qu’ils montrent le bail que Dieu leur en a fait… Cadis, cheiks, imans, tchorbadjis, dites au peuple que nous sommes aussi de vrais musulmans. N’est-ce pas nous qui avons détruit les chevaliers de Malte ? N’est-ce pas nous qui avons détruit le pape qui disait qu’il fallait faire la guerre aux musulmans ? N’est-ce pas nous qui avons été dans tous les temps les amis du Grand-Seigneur et les ennemis de ses ennemis ?… Trois fois heureux ceux qui seront avec nous ! Ils prospéreront dans leur fortune et dans leur rang. Heureux ceux qui seront neutres ! ils auront le temps de nous connaître, et ils se rangeront avec nous. Mais malheur, trois fois malheur à ceux qui s’armeront pour les Mameloucks et qui combattent contre nous ! Il n’y aura pas d’espérance pour eux, ils périront. » 
Lorsque tout est complètement débarqué, l’amiral Brueys reçoit ordre de conduire la flotte dans le mouillage d’Aboukir. Quant à l’escadre, elle doit, ou entrer dans le vieux port d’Alexandrie, si cela se peut, ou bien se rendre à Corfou. L’arrivée indubitable des Anglais, qui déjà s’étaient montrés dans les parages d’Alexandrie vingt-quatre heures avant l’arrivée des Français, rendent ces précautions nécessaires. Il est de la plus grande prudence d’éviter les chances d’un combat naval : une défaite pouvait avoir les suites les plus désastreuses sous tant de rapports ; il est encore du plus grand intérêt de marcher au plus vite sur Le Caire, afin d’effrayer les chefs des ennemis et de les surprendre avant qu’ils eussent pris toutes leurs mesures de défense.
Desaix se met en route avec sa division et deux pièces de campagne ; il arrive, à travers le désert, le 18 messidor, à Demenhour, à quinze lieues d’Alexandrie. Bonaparte, en quittant cette dernière ville, en laisse le commandement à Kléber. Le général Dugua marche sur Rosette ; il a ordre de s’en emparer et de protéger l’entrée dans le port de la flottille française, qui doit suivre la route du Caire, sur la rive gauche de ce fleuve, et rejoindre l’armée par Rahmanié. Le 20, Bonaparte arrive à Demenhour, où il trouve l’armée réunie. Le 22, on se met en marche pour Rahmanié : on s’y repose en attendant la flottille, qui porte les provisions : elle arrive le 24. L’armée se remet en marche pendant la nuit ; la flottille suit son mouvement.
La violence des vents l’entraîne tout à coup au delà de la gauche de l’armée et la pousse contre la flottille ennemie. Celle-ci est soutenue par le feu de 4 000 Mamelouks, renforcés de paysans et d’Arabes, et cependant, quoique inférieurs en nombre, les Français font perdre à l’ennemi ses chaloupes canonnières. Attiré par le bruit du canon, Bonaparte accourt au pas de charge. Le village de Chebreis est attaqué et emporté après deux heures d’un combat des plus acharnés. L’ennemi fuit en désordre vers le Caire, laissant 600 morts sur le champ de bataille.
Après un jour de repos à Chebreis, l’armée victorieuse se remet à sa poursuite. Le 2 thermidor, on arrive à une demi lieue du village d’Embabé. La chaleur est insupportable : l’armée, accablée de fatigue, aurait eu besoin de prendre quelque repos ; mais les Mamelouks que l’on voyait se déployer en avant du village, ne lui en donnent pas le temps. Bonaparte range ses troupes en bataille, et leur montrant les fameuses Pyramides que l’on apercevait en arrière de la gauche de l’ennemi, se serait écrié « Soldats, songez que du haut de ces monuments, quarante siècles vous contemplent ». Et en même temps, il ordonne l’attaque. C'est le début de la bataille des Pyramides, victorieuse pour les troupes françaises.
La brigade Dupuy, qui continue à suivre l’ennemi en déroute, entre pendant la nuit dans le Caire que les beys Mourad et Ibrahim venaient de quitter.
Le 4 thermidor, les grands de cette capitale se rendent à Gizeh, auprès du général en chef, et lui offrent de lui remettre la ville. Trois jours après, il y transporte son quartier général. Desaix reçoit l’ordre de suivre Mourad, qui avait pris le chemin de la Haute-Égypte. Un corps d’observation est placé à Elkanka pour surveiller les mouvements d’Ibrahim, qui se dirigeait vers la Syrie. Bonaparte en personne se met à sa poursuite, le bat à Salahie et le chasse complètement de l’Égypte, après quoi il revient au Caire.
Chemin faisant, il reçoit la nouvelle que la flotte française venait d’être détruite presque en totalité par les Anglais, lors d'une bataille à Aboukir.
Cependant Bonaparte, aussi bon politique qu’habile général, se comporte en Égypte comme s’il en était le souverain absolu.
Peu de temps après arrive l’anniversaire de la naissance du prophète ; cette solennité est célébrée avec la plus grande pompe. Bonaparte dirige lui-même les évolutions militaires qui ont lieu en cette occasion ; il paraît à la fête et chez le cheik vêtu à l’orientale, le turban en tête ! c’est à cette occasion que le divan le qualifie du titre d'Ali-Bonaparte. Vers la même époque, il fait prendre des mesures sévères pour la protection de la caravane des pèlerins qui se rendent à La Mecque. À ce sujet, il écrivit lui-même une lettre au gouverneur de cette ville.
Néanmoins les populations, nullement convaincues de la sincérité de toutes ces tentatives de conciliation, se révoltent sans cesse. Le prélèvement des impôts devenus nécessaires pour subvenir aux besoins de l’armée, et surtout le fanatisme religieux, les animent d’une haine implacable contre les Français. Les attaques imprévues, le poignard, tous les moyens sont licites pour exterminer ces infidèles venus de l’Occident. Les exécutions militaires ne font qu’exaspérer ces fureurs loin de les éteindre. Les Français, enfin, ne sont véritablement les maîtres que du terrain qu’ils ont sous leurs pieds.
Le 22 septembre 1798 amène l’anniversaire de la fondation de la République française. Bonaparte fait célébrer cette fête avec toute la magnificence possible. Par ses ordres, un cirque immense est construit dans la plus grande place du Caire ; 105 colonnes, sur chacune desquelles flotte un drapeau portant le nom d’un département, décorent cette construction, dont un obélisque colossal, chargé d’inscriptions, occupe le centre. Sur sept autels antiques se lisent les noms des braves morts au champ d’honneur. On entre dans l’enceinte en passant sous un arc de triomphe, sur lequel est représentée la bataille des Pyramides. Il y a là un peu de maladresse : si cette peinture flatte l’orgueil de nos soldats, elle fait éprouver des sentiments pénibles aux Égyptiens vaincus, et dont on s’efforçe, mais en vain, de faire des alliés fidèles.
Le jour de cette fête, le général en chef adresse une allocution aux soldats, dans laquelle, après avoir fait l’énumération de leurs exploits depuis le siège de Toulon, il leur dit :
« Depuis l’Anglais, célèbre dans les arts et le commerce, jusqu’au hideux et féroce Bédouin, vous fixez les regards du monde. Soldats, votre destinée est belle… Dans ce jour, 40 millions de citoyens célèbrent l’ère du gouvernement représentatif, 40 millions de citoyens pensent à vous. » 
Après s’être rendu maître du pays par la force, Bonaparte veut faire jouir l’Égypte de tous les bienfaits de la civilisation. Par ses soins, Le Caire prend bientôt l’aspect d’une ville européenne ; son administration est confiée à un Divan choisi parmi les hommes les plus recommandables de la province. Les autres villes reçoivent en même temps des institutions municipales. Un Institut, composé à l’instar de celui de la mère patrie, est organisé. Le conquérant, devenu législateur le dote d’une bibliothèque, d’un cabinet de physique, d’un laboratoire de chimie, d’un jardin de botanique, d’un observatoire, d’un musée d’antiquités, d’une ménagerie et au titre d’académicien, il joint celui de Président de l’Institut d’Égypte.
Par ses ordres, des savants dressent un tableau comparatif des poids et mesures égyptiens et français, ils composent un vocabulaire français-arabe et ils calculent un triple calendrier égyptien, cophte et européen. Deux journaux, l’un de littérature et d’économie politique, sous le titre de Décade égyptienne, l’autre de politique, sous celui de Courrier égyptien, sont rédigés au Caire.
L’armée, considérablement réduite, autant par les maladies que par le fer de l’ennemi, ne doit plus s’attendre depuis l’incendie de la flotte à recevoir des renforts de la mère patrie. Pour obvier à cet inconvénient, Bonaparte ordonne une levée parmi les esclaves, depuis l’âge de seize jusqu’à vingt-quatre ans ; 3 000 marins, échappés au désastre d’Aboukir, sont enrégimentés et forment la légion nautique.
Toutes les rues du Caire étaient fermées la nuit par des portes, afin de mettre les habitants à l’abri d’un coup de main de la part des Arabes. Le général en chef fait enlever ces clôtures, derrière lesquelles, en cas de sédition, les Égyptiens pouvaient combattre avec quelque avantage contre les Français ; l’événement justifie la prévoyance de Bonaparte.
Le 22 octobre 1798, pendant qu’il était au vieux Caire, la population de la capitale se répand en armes dans les rues, se fortifie sur divers points, et principalement dans la grande mosquée. Le chef de brigade Dupuy, commandant de la place, est tué le premier. Le brave Salkowski, aide de camp chéri de Bonaparte, a le même sort. Excités par les cheicks et les imans, les Égyptiens ont juré par le prophète d’exterminer tous les Français. Tous ceux qu’ils rencontrent, soit dans leurs maisons, soit dans les rues, sont impitoyablement égorgés. Des rassemblements se pressent aux portes de la ville pour en défendre l’entrée au général en chef qui, repoussé à la porte du Caire, est obligé de faire un détour pour entrer par celle de Boulaq.
La situation de l’armée française est des plus critiques : les Anglais menacent les villes maritimes ; Mourad Bey tient toujours la campagne dans la Haute-Égypte ; les généraux Menou et Dugua contiennent à peine la Basse-Égypte. Les Arabes réunis aux paysans font cause commune avec les révoltés du Caire ; tout le désert est en armes. Dans un manifeste du Grand Seigneur, répandu avec profusion dans toute l’Égypte, on lit :
« Le peuple français est une nation d’infidèles obstinés et de scélérats sans frein… Ils regardent le Coran, l’Ancien Testament et l’Évangile, comme des fables… Dans peu, des troupes aussi nombreuses que redoutables s’avanceront par terre, en même temps que des vaisseaux aussi hauts que des montagnes couvriront la surface des mers… Il vous est, s’il plaît à Dieu, réservé de présider à leur entière destruction (des Français) ; comme la poussière que les vents dispersent, ils ne restera plus aucun vestige de ces infidèles : car la promesse de Dieu est formelle, l’espoir du méchant sera trompé, et les méchants périront. Gloire au Seigneur des mondes ! » 
Bonaparte n’est point déconcerté par l’orage qui le menace de toutes parts. Par ses ordres, les Arabes sont repoussés dans le désert, l’artillerie est braquée tout autour de la ville rebelle. Il poursuit lui-même les révoltés de rue en rue, et les oblige à se concentrer dans la grande mosquée ; il a la générosité de leur offrir leur pardon, ils le refusent, et persistent dans leur obstination. Par bonheur pour les Français, le ciel se couvre de nuages, le tonnerre gronde. Ce phénomène est fort rare en Égypte, les Musulmans, ignorants et superstitieux, le considèrent comme un avertissement du ciel, et ils implorent la clémence de leurs ennemis : « Il est trop tard, leur fait répondre Bonaparte ; vous avez commencé, c’est à moi de finir. » Et, tout de suite, il ordonne à ses canons de foudroyer la mosquée. Les Français en brisent les portes et s’y introduisent de vive force : animés par la fureur et la vengeance, ils font un carnage affreux des malheureux Égyptiens.
Redevenu le maître absolu de la ville, le général en chef fait rechercher les auteurs et les instigateurs de la révolte. Quelques cheicks, plusieurs Turcs ou Égyptiens, convaincus d’avoir trempé dans le complot, sont exécutés. Pour compléter le châtiment, la ville est frappée d’une forte contribution, et son Divan est remplacé par une commission militaire. Afin d’atténuer les effets produits par le firman du Grand Seigneur, on affiche dans toutes les villes de l’Égypte une proclamation qui se termine ainsi :
« Cessez de fonder vos espérances sur Ibrahim et sur Mourad, et mettez votre confiance en celui qui dispose à son gré des empires et qui a créé les humains » 
Le plus religieux des prophètes a dit : « La sédition est endormie ; maudit soit celui qui la réveillera ! ». La révolte en effet ne se réveilla plus tant que Bonaparte resta en Égypte.
Se voyant de nouveau tranquille possesseur de sa conquête, il profite de ce temps de repos pour aller visiter le port de Suez et s’assurer de ses propres yeux de la possibilité d’un canal creusé, disait-on, dans l’antiquité, par ordre des Pharaons, et qui faisait communiquer la mer Rouge avec la Méditerranée. Avant de partir pour cette expédition, il rend aux habitants du Caire, comme gage de pardon, leur gouvernement national ; un nouveau Divan, composé de soixante membres, remplaçe la commission militaire.
Puis, accompagné de ses collègues de l’Institut, Berthollet, Monge, le père Dutertre, Costaz, Caffarelli, et suivi d’une escorte de 300 hommes, il prend le chemin de la mer Rouge, et trois jours de marche dans le désert suffisent à cette caravane pour arriver à Suez. Après avoir donné des ordres pour compléter les fortifications de la place, Bonaparte traverse la mer Rouge, et va reconnaître en Arabie les célèbres fontaines de Moïse. À son retour, surpris par la marée montante, il court le risque de se noyer ; mais il était de sa destinée d’être encore longtemps heureux. Arrivé à Suez, il reçoit une députation d’Arabes qui viennent solliciter l’alliance des Français. Finalement, après quelques recherches, on retrouve des traces de l’ancien canal de Sésostris, et le but du voyage est atteint.
Sur ces entrefaites, on apprend que Djezzar, pacha de Syrie, s’est emparé du fort d’El-Arich, situé dans le désert, à dix lieues de la frontière d’Égypte, qu’il est destiné à défendre. Ne doutant plus de l’imminence d’une guerre avec le Grand-Turc, le général décide d’en prévenir les événements, et l’expédition de Syrie est engagée.
De retour au Caire, il donne ordre à 10 000 hommes de se tenir prêts à marcher. Les généraux Bon, Kléber, Lannes et Régnier, commandent l’infanterie, le général Murat, la cavalerie, le général Dammartin, l’artillerie, et le général Caffarelli du Falga, l’arme du génie. Le contre-amiral Perrée doit, avec trois frégates, aller croiser devant Jaffa, et apporter l’artillerie de siège : celle de campagne est de 80 bouches à feu.
Régnier, qui commande l’avant-garde, arrive en peu de jours devant El-Arich, s’empare de la place, détruit une partie de la garnison, et force le reste à se réfugier dans le château ; en même temps il met en fuite les Mamelouks d’Ibrahim et se rend maître de leur camp. Sept jours après son départ du Caire, Bonaparte arrive devant El-Arich, et sur-le-champ il fait canonner une des tours du château. La garnison capitule deux jours après ; une partie des soldats prennent du service dans l’armée française.
Après soixante lieues d’une marche pénible dans le désert, l’armée arrive à Gaza ; elle s’y rafraîchit et s’y repose pendant deux jours. Trois jours après, on se trouve sous les murs de Jaffa. Cette place est entourée de hautes murailles, flanquées de tours. Djezzar en a confié la défense à des troupes d’élite ; l’artillerie est servie par 1 200 canonniers turcs. Il est de toute nécessité de s’en rendre maître avant d’aller plus loin. C’est un des boulevards de la Syrie ; son port offre un abri sûr à l’escadre : de sa chute dépend en grande partie le succès de l’expédition.
Tous les ouvrages extérieurs sont au pouvoir des assiégeants ; la brèche est praticable ; lorsque Bonaparte envoit un Turc au commandant de la ville pour le sommer de se rendre, celui-ci le fait décapiter et ordonne une sortie. Il est repoussé et dès le soir du même jour les boulets des assiégeants font crouler une des tours, et malgré la résistance désespérée de ses défenseurs, Jaffa succombe. Deux jours et deux nuits de carnage suffisent à peine pour assouvir la fureur du soldat ; 4 000 prisonniers sans défense sont égorgés par ordre du général ! Cette barbare exécution a trouvé des apologistes :
« Car pour maintenir dans la soumission un nombre si considérable de captifs, il eût fallu en confier la garde à une escorte qui eût diminué d’autant les forces de l’armée ; que si on leur eût permis de se retirer en toute liberté, il était raisonnable de craindre qu’ils n’allassent grossir les rangs des troupes de Djezzar. » 
Avant de quitter Jaffa, Bonaparte y établit un Divan, un grand hôpital, dans lequel sont reçus les soldats atteints de la peste. Des symptômes de cette affreuse maladie s’étaient manifestés parmi les troupes dès le commencement du siège. Un rapport des généraux Bon et Rampon avait donné de vives inquiétudes à Bonaparte sur la propagation de ce fléau. Afin de dissiper les craintes et de tranquilliser les esprits, il parcourt toutes les salles des pestiférés, parle aux malades, les console, touche leurs plaies en leur disant : Vous le voyez, cela n’est rien. Au sortir de l’hôpital, il répond à ceux qui l’accusent d’avoir commis une grande imprudence :
C’était mon devoir, je suis le général en chef.
De Jaffa, l’armée se dirige sur Saint-Jean-d'Acre. Chemin faisant, elle prend Kaïffa, où elle trouve des munitions et des approvisionnements de toute espèce. Les châteaux de Jaffet, de Nazareth, la ville de Tyr tombent aussi en son pouvoir ; mais elle doit trouver le terme ou plutôt la suspension de ses triomphes sous les murs de Saint-Jean-d’Acre. Cette bicoque, située sur le bord de la mer, pouvait recevoir de ce côté des secours de toute espèce ; la marine anglaise renforçait celle du Grand Seigneur et lui servait comme de guide et d’exemple.
Après soixante jours d’attaques réitérées, après deux assauts meurtriers et sans résultat, la place tient toujours ferme. Cependant, outre les renforts qu’elle attend du côté de la mer, une grande armée se forme en Asie par ordre du Grand Seigneur et s’apprête à marcher contre les infidèles, et Djezzar, pour seconder ses mouvements, ordonne une sortie générale contre le camp de Bonaparte. Cette attaque est soutenue par l’artillerie et les équipages des vaisseaux anglais. Le général en chef, avec son impétuosité ordinaire, eut bientôt refoulé les colonnes de Djezzar derrière leurs murailles.
Après ce succès, il vole au secours de Kléber qui, retranché dans les ruines, tenait tête, avec 4 000 Français, à 20 000 Turcs. Bonaparte conçoit d’un coup d’œil tous les avantages que lui offrent les positions de l’ennemi : il envoie Murat, avec sa cavalerie, sur le Jourdain pour en défendre le passage ; Vial et Rampon marchent sur Naplouse, et lui-même se place entre les Turcs et leurs magasins. Ses dispositions sont couronnées du plus heureux succès. L’armée ennemie, attaquée à l’improviste sur divers points à la fois, est mise en déroute et coupée dans sa retraite ; elle laisse 5 000 morts sur le champ de bataille ; ses chameaux, ses tentes, ses provisions deviennent le prix de la victoire des vainqueurs. Tels sont les avantages remportés à la célèbre bataille du Mont-Thabor.
De retour devant Saint-Jean-d’Acre, Bonaparte apprend que le contre-amiral Perrée a débarqué à Jaffa sept pièces de siège ; il ordonne successivement deux assauts qui sont vigoureusement repoussés. Une flotte est signalée, elle porte pavillon ottoman ; il faut se hâter de prendre la ville avant qu’elle n’ait reçu dans son port le secours qui lui arrive. Une cinquième attaque générale est ordonnée ; tous les ouvrages extérieurs sont emportés, le drapeau tricolore est planté sur le rempart, les Turcs sont repoussés dans la ville, et leur feu commence à se ralentir : encore un nouvel effort, et Saint-Jean-d’Acre est pris ou va capituler.
Mais il se trouvait dans la place un émigré français, Phélippeaux, officier du génie, un des condisciples de Bonaparte à l’École militaire. Par ses ordres, des canons sont placés suivant les directions les plus avantageuses ; de nouveaux retranchements s’élèvent comme par enchantement derrière les ruines de ceux que les assiégeants ont emportés. En même temps, Sidney Smith, qui commande la flotte anglaise, arrive à la tête des équipages de ses vaisseaux. Les assiégés reprennent tout leur courage et se pressent à sa suite. La furie des Français est à son comble ; la résistance n’est pas moins opiniâtre. Enfin trois assauts consécutifs et toujours repoussés apprennent à Bonaparte qu’il serait imprudent de s’obstiner plus longtemps à la prise de Saint-Jean-d’Acre. Il en lève le siège, et pour consoler ses soldats, il leur adresse cette proclamation :
« Après avoir, avec une poignée d’hommes, nourri la guerre pendant trois mois dans le cœur de la Syrie, pris 40 pièces de campagne, 50 drapeaux, fait 10 000 prisonniers, rasé les fortifications de Gaza, Kaïffa, Jaffa, Acre, nous allons rentrer en Égypte. » 
La situation de l’armée est des plus critiques ; outre l’ennemi qui pouvait inquiéter ses derrières pendant sa retraite, les fatigues et les privations qui l’attendaient dans le désert, elle a à sa charge un grand nombre de pestiférés : les laisser en arrière, c’était les livrer à la fureur des Turcs, qui ne manqueraient pas de les égorger en représailles des massacres de Jaffa ; les recevoir et les emmener au milieu de ses rangs, c’eût été favoriser les progrès du fléau de gaîté de cœur.
Il y a deux dépôts de malades : l’un dans le grand hôpital du mont Carmel, et l’autre à Jaffa. Par ordre du général en chef, tous ceux du mont Carmel sont évacués sur cette dernière ville et sur Tentura. Les chevaux d’artillerie dont les pièces sont abandonnées devant Acre, tous ceux des officiers, tous ceux du général en chef sont livrés à l’ordonnateur Daure, pour leur servir de transport ; Bonaparte est à pied et donne l’exemple.
L’armée, pour dérober son départ aux assiégés, se met en marche pendant la nuit. Arrivé à Jaffa, le général ordonne trois évacuations de pestiférés vers trois points différents : l’une par mer, sur Damiette, la seconde et la troisième par terre sur Gaza et sur El-Arisk.
Dans sa retraite, l’armée fait un désert de tous les pays où elle passe : bestiaux, moissons, maisons, tout est détruit par le fer et le feu ; la ville de Gaza, restée fidèle, est seule épargnée.
Enfin, après quatre mois d’absence, l’expédition arrive au Caire avec 1 800 blessés ; elle a perdu en Syrie 600 hommes morts de la peste et 1 200 qui ont péri dans les combats.
L’échec éprouvé lors du Siège de Saint-Jean-d'Acre (1799) avait eu du retentissement en Égypte ; les émissaires turcs et anglais faisaient courir le bruit que l’armée expéditionnaire était en grande partie détruite, que son chef était mort. Bonaparte, en habile politique, détruit facilement les impressions que ces menées avaient produites sur les esprits, et fait sentir aux Égyptiens combien étaient chimériques les espérances qu’ils avaient fondées sur ses revers. Par ses ordres, les troupes, en entrant en Égypte, prennent l’attitude d’une armée triomphante : les soldats portent dans leurs mains des branches de palmier, emblèmes de la victoire. Dans sa proclamation aux habitants du Caire, il leur dit :
« Il est arrivé au Caire, le Bien-Gardé, le chef de l’armée française, le général Bonaparte, qui aime la religion de Mahomet ; il est arrivé bien portant et bien sain, remerciant Dieu des faveurs dont il le comble. Il est entré au Caire par la porte de la Victoire. Ce jour est un grand jour ; on n’en a jamais vu de pareil ; tous les habitants du Caire sont sortis à sa rencontre. Ils ont vu et reconnu que c’était bien le même général en chef Bonaparte en propre personne ; ils se sont convaincus que tout ce qui avait été dit sur son compte était faux… Il fut à Gaza et à Jaffa ; il a protégé les habitants de Gaza ; mais ceux de Jaffa, égarés, n’ayant pas voulu se rendre, il les livra tous, dans sa colère, au pillage et à la mort. Il a détruit tous les remparts et fait périr tout ce qui s’y trouvait. Il y avait à Jaffa environ 5 000 hommes des troupes de Djezzar : il les a tous détruits. » 
L’armée trouve au Caire le repos et tous les approvisionnements dont elle avait besoin pour se refaire de ses fatigues ; mais son séjour dans cette ville ne devait pas être de longue durée. Bonaparte, instruit que Mourad-Bey, déjouant les poursuites des généraux Desaix, Belliard, Donzelot, Davoust, descend de la Haute-Égypte, se met en marche pour aller l’attaquer aux Pyramides ; là il apprend qu’une flotte turque de cent voiles est devant
Aboukir et menace Alexandrie.
Sans perdre de temps et sans rentrer au Caire, il ordonne à ses généraux de se porter en toute hâte au devant de l’armée que commande le pacha de Roumélie, Saïd-Mustapha, auquel se sont joints les corps de Mourad-Bey et d’Ibrahim. Avant de quitter Gizeh, où il se trouvait, le général en chef écrit au Divan du Caire :
« Quatre-vingts bâtiments ont osé attaquer Alexandrie ; mais, repoussés par l’artillerie de cette place, ils sont allés mouiller à Aboukir où ils commencent à débarquer. Je les laisse faire, parce que mon intention est de les attaquer, de tuer tous ceux qui ne voudront pas se rendre, et de laisser la vie aux autres pour les mener en triomphe au Caire. Ce sera un beau spectacle pour la ville. » 
Bonaparte se rend d’abord à Alexandrie, de là il marche sur Aboukir, dont le fort s’est rendu aux Turcs. Son génie lui fait prendre sur-le-champ des dispositions telles, que Mustapha doit vaincre ou périr avec tous les siens. Son armée, qui compte 18 000 combattants, est soutenue par une nombreuse artillerie ; des retranchements la défendent du côté de la terre, et du côté de la mer, elle communique librement avec la flotte. Le général en chef ordonne l’attaque au lieu de l’attendre ; tout cède à la valeur impétueuse de ses soldats ; en peu d’heures, les retranchements sont enlevés, 10 000 Turcs se noient dans la mer, le reste est pris ou tué. L’intrépide Murat, qui mérite une grande partie de la gloire de cette journée, fait prisonnier le général ennemi Saïd-Mustapha, dont le fils, qui commandait dans le fort, doit, avec tous les officiers échappés au carnage, former le cortège triomphal du vainqueur. La population du Caire, voyant revenir Bonaparte avec ses illustres prisonniers, accueille d’un hommage superstitieux le prophète-guerrier qui avait prédit son triomphe avec une précision si remarquable.
La victoire d’Aboukir est le dernier exploit du général en chef en Égypte ; une autre phase de son étonnante carrière commence :
considérant qu’il ne lui restait plus rien à faire en Égypte qui fût digne de son ambition, attendu que les forces dont il pouvait disposer encore, n’étaient pas, à beaucoup près, suffisantes pour entreprendre une expédition de quelque importance au delà des frontières de sa conquête, ce qui lui était bien démontré par la non-réussite du siège d’Acre ;
prévoyant d’ailleurs que son armée, allant toujours s’affaiblissant par les combats, par les maladies, il se verrait, un peu plus tôt, un peu plus tard, dans la triste nécessité de signer une capitulation et de se rendre prisonnier à ses ennemis ;
qu’un événement si déplorable détruirait tout le prestige de ses nombreuses victoires ;
par ces diverses raisons, il prend spontanément la résolution de revenir en France. Il avait appris par ses communications avec la flotte anglaise, lors de l’échange des prisonniers d’Aboukir, et notamment par la Gazette de Francfort, que Sidney-Smith lui envoit, que depuis son absence, la patrie avait éprouvé des revers, que les ennemis avaient repris ses propres conquêtes, que la nation humiliée, mécontente du gouvernement dictatorial, se rappelait avec douleur la paix glorieuse qu’il avait signée au traité de Campo-Formio ; il comprend enfin qu’on avait besoin de lui et qu’il serait bien reçu.
Il ne fait part de son secret qu’à un petit nombre d’amis dont la discrétion et le dévouement lui sont bien connus. Un voyage dans le delta est le prétexte qu’il met en avant pour sortir du Caire sans éveiller les soupçons ; les savants Monge, Berthollet, le peintre Denon, les généraux Berthier, Murat, Lannes, Marmont, l’accompagnent.
Le 23 août 1799, une proclamation apprend à l’armée que le général en chef Bonaparte venait de transmettre ses pouvoirs au général Kléber ; cette nouvelle est reçue avec quelque mécontentement, mais l’indignation cesse bientôt. Kléber avait fait ses preuves ; il méritait à bon droit toute la confiance des troupes, et puis on était facilement porté à croire que Bonaparte était parti pour lever en France de nouveaux renforts avec lesquels il s’empresserait de retourner en Égypte se remettre à la tête de ses anciens compagnons d’armes.
À la nuit tombante, la frégate la Muiron vient le prendre silencieusement sur le rivage, trois autres bâtiments forment son escorte. On s’est souvent demandé par quel miracle il a pu se faire que, pendant une navigation de quarante et un jours, il n’ait pas rencontré un seul vaisseau ennemi qui l’ait contrarié dans sa traversée ; des relations donnent à entendre que par une convention tacite il avait acheté la neutralité des Anglais ; cela n’est guère vraisemblable ; autant vaudrait soutenir qu’il avait fait aussi un pacte avec Horatio Nelson pour qu’il le laissât aborder sans obstacle au rivage égyptien avec la flotte qui portait sa nombreuse armée.
Au moment du départ, on lui fait remarquer avec inquiétude qu’une corvette anglaise l’observe : « Bah ! s’écrie Bonaparte, nous arriverons, la fortune ne nous a jamais abandonnés, nous arriverons, malgré les Anglais. »
La flottille entre le 1er octobre dans le port d’Ajaccio, les vents contraires l’y retiennent jusqu’au 8 qu’elle appareille pour la France. À la vue des côtes, on voit paraître dix voiles anglaises ; le contre-amiral Gantheaume veut virer de bord vers la Corse ; « Non, lui dit Bonaparte, cette manœuvre nous conduirait en Angleterre, et je veux arriver en France ». Cet acte de fermeté et de courage le sauve ; le 8 octobre 1799 (16 vendémiaire an VIII), les frégates mouillent dans la rade de Fréjus. Comme il n’y avait point de malades à bord et que la peste avait cessé en Égypte, six mois avant son départ, il est permis au général Bonaparte et à sa suite de prendre terre immédiatement. À six heures du soir, il se met en route pour Paris, accompagné de Berthier, son chef d’état-major.
L'armada qui est partie de Toulon emportait avec elle des soldats mais aussi 167 savants, ingénieurs et artistes, membres de la Commission des Sciences et des Arts : le géologue Dolomieu, Henri-Joseph Redouté, le mathématicien Gaspard Monge, le chimiste Claude Louis Berthollet, Vivant Denon, Jean-Joseph Fourier, le naturaliste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, le botaniste Alire Raffeneau-Delile, l'ingénieur Pierre Simon Girard font partie du voyage. Ils fondent l'Institut d'Égypte qui avait pour mission de propager les Lumières en Égypte grâce à un travail interdisciplinaire. Une revue scientifique est créée, la Décade égyptienne.
Au cours de l'expédition, les savants ont observé la nature égyptienne, prit des dessins et se sont intéressé aux ressources du pays. La pierre de Rosette a été découverte dans le village de Rachid en juillet 1799 par un jeune officier du génie, Pierre-François-Xavier Bouchard. Leurs découvertes furent hélas confisquées par les Britanniques et finirent au British Museum.
Leur travail donna lieu à la Description de l'Égypte, publiée sous les ordres de Napoléon Bonaparte.
Dès son arrivée en Égypte, Bonaparte fait afficher une déclaration au peuple égyptien qui le pose en libérateur du pays opprimé par les Mamelouks, tout en se réclamant d'une amitié avec la Sublime Porte. Cette position lui vaut de solides appuis en Égypte (et, bien plus tard, l'admiration de Mehemet Ali, qui réussit ce que Bonaparte n'a que tenté).
La campagne d'Égypte profite largement aussi à l'image de Bonaparte en France :
Le Courrier d’Égypte s’adresse au corps expéditionnaire et doit soutenir le moral des troupes. Le peintre Antoine-Jean Gros dans le tableau des Pestiférés de Jaffa peint en 1804, représente Napoléon en guérisseur, comme les rois de l'Ancien Régime qui touchaient les écrouelles après la cérémonie du sacre. Sur cette peinture, on peut voir Napoléon touchant le corps d'un homme ayant la peste. Ceci fait partie de la propagande orchestrée par Napoléon. Il n'a jamais touché ni même approché un homme atteint de cette maladie de peur de l'attraper aussi, de plus elle a été peinte six ans après les faits, en 1804, année du couronnement de Napoléon Ier.
La défaite des Mamelouks aux Pyramides (bataille d’Embabeh) donne lieu à des récits et des dessins par dizaines ; on attribue à Napoléon la célèbre phrase : « Du haut de ces pyramides, quarante siècles d'histoire vous contemplent ».
On passe en revanche sous silence la défaite navale d'Aboukir, ainsi que l'échec de la campagne de Syrie.
En rentrant d'Égypte, où il laisse le commandement des opérations à Kléber qui est assassiné peu après, Bonaparte est auréolé d'un prestige fondé sur cette propagande, qui lui ouvre la voie du pouvoir, et dont il profite en devenant Premier Consul, lors du Coup d'État du 18 brumaire (novembre 1799).

 

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29 juillet 2007 7 29 /07 /juillet /2007 10:33

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En 1795, le Directoire décida que les armées des généraux Jourdan et Moreau iraient combattre les Autrichiens sur le Main et le Danube, tandis que Napoléon Bonaparte, nommé général en chef de l’armée d’Italie le 2 mars 1796, attaquerait les Austro-Sardes dans la vallée du Pô. L'armée d'Italie ne devait, en fait, servir que de diversion pour que l'Autriche se mobilise en Italie. Cette armée ne devant pas être victorieuse, elle fut mal équipée et mal nourrie, et ne devait recevoir aucun renfort.
Bonaparte prit son commandement de l’armée d’Italie, à Nice, le 27 mars 1796. Elle comprenait 30 000 hommes. Le propre général est reçu avec défiance par la troupe qui ne le connaît que comme l'auteur d'une fusillade contre la foule lors de l'écrasement de l'insurrection royaliste le 5 octobre 1795. Les officiers sont jaloux d'être commandés par un si jeune général. Dès son arrivée, il sut trouver les mots qui galvanisèrent les troupes mal nourries et mal vêtues de la France révolutionnaire ruinée. Commencée au col de Cadibone, qui sépare les Alpes des Apennins, pour se terminer un an plus tard à l'autre extrémité des Alpes, la campagne allait être fulgurante.
La principale difficulté de la campagne consistait dans la disjonction des armées piémontaise et autrichienne avec, ensemble, 70 000 hommes ; la première, commandée par Giovanni Provera et Luigi Colli, et l’autre par Pierre Nicolas Merle-Beaulieu et Argenteau.
Ce but fut atteint par une manœuvre savante et inattendue : Napoléon Bonaparte fond d’abord avec toutes ses forces sur Argenteau qui commandait le centre de l’armée ennemie situé à Montenotte le 12 avril (victoire des généraux Masséna et Laharpe sur Argenteau), et le rejette sur Dego et Sassello.
Pour les séparer, il culbuta l'armée adverse à la Bataille de Millesimo le 13 (victoire de Augereau sur le corps de Provera).
Beaulieu, apprenant les désastres du centre, se retire avec précipitation sur Acqui. Provera est fait prisonnier à Cosseria ; les Piémontais, défaits à Montezemolo et à Mondovi le 22 avril (victoire de Bonaparte sur le baron Luigi Colli), chassés de Ceva, fuient sur la route de Turin.
Ces divers combats qui durèrent six jours, eurent pour résultats la prise de quarante pièces de canon, la mise hors de combat de 12.000 Autrichiens, la possession des forteresses de Coni, de Ceva, de Tortone, d’Alexandrie : l’occupation presque totale du Piémont, évacué par les Autrichiens ; ce qui mit le roi de Sardaigne dans la nécessité de demander la paix au gouvernement de la République française. Les Sardes, effrayés, demandèrent un armistice le 26 avril (armistice de Cherasco).

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29 juillet 2007 7 29 /07 /juillet /2007 10:33
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le général victorieux, maître de son armée, conçoit le projet de faire la conquête de la Lombardie.
Par le traité de paix conclu à Turin avec la cour de Sardaigne, le général français avait eu la précaution de se faire céder le «pont de Valence» (Las Cases cite ainsi la commune de Valenza), prévoyant que l’occupation de ce poste attirerait l’attention de l’ennemi et lui ferait prendre le change, tandis qu’il irait de son côté forcer le passage du Pô sur un autre point. Se rejetant ensuite sur les Autrichiens, Bonaparte passa le Pô vers la ville de Plaisance pour entamer la campagne contre Beaulieu en Lombardie. Le duc de Parme déposa les armes le 9 mai.
De là, il marche rapidement sur Lodi : un pont long et étroit jeté sur l’Adda, qui baigne les murs de la place, est franchi malgré le feu meurtrier de la mitraille des Autrichiens qui défendaient ce passage difficile et dangereux. Napoléon repoussa les Autrichiens au pont de Lodi le 10 mai (victoire sur Beaulieu).
Lodi est enlevé, et l’occupation de cette place assure à l’armée victorieuse la conquête de la haute Italie.
Mais le projet de porter la guerre en Allemagne par le Tyrol, qui est toujours l’idée dominante de Bonaparte ne peut s’effectuer avec sécurité tant que la forteresse redoutable de Mantoue sera au pouvoir de l’ennemi. La phase suivante de la guerre va se dérouler autour de Mantoue.
Le général fait ses dispositions pour exécuter les plans qu’il a combinés, et dont la réussite lui parait si certaine qu’il écrit au directeur Carnot.
Cependant le Directoire, surpris autant peut-être de l’audace de son général que jaloux de ses victoires, et prévoyant la haute destinée que ses succès semblaient lui promettre, prit la détermination de ne plus le laisser seul arbitre de la guerre et de la paix : ainsi donc, tout en le félicitant sur sa conquête du Piémont, il le remerciait avec affectation d’avoir abandonné au commissaire civil, Christophe Saliceti, le soin de traiter des préliminaires pour la paix, laissant entrevoir le mécontentement que lui avaient causé les armistices qu’il s’était permis de conclure lui-même avec les généraux piémontais et le duc de Parme.
Bonaparte apprit en même temps qu’on avait le projet de diviser le commandement de l’armée d’Italie entre lui et le général François Christophe Kellermann. Cette nouvelle l’affecta singulièrement. Il écrit au Directoire mais écrivit également confidentiellement au directeur Carnot.
Sur ces entrefaites, André Masséna s’empare de Milan, et Bonaparte y fait son entrée solennelle le lendemain ; et ce jour même, est signé à Paris, un traité de paix par lequel la Savoie, Tende, Nice et autres places, sont enlevées au roi de Sardaigne et passent sous la domination de la France.
Peu de jours après, le Directoire, cédant aux raisons et aux instances de Bonaparte, lui abandonne sans partage la conduite des affaires d’Italie.
De ce moment date la haute influence que cet homme extraordinaire va exercer sur les affaires, tant civiles que militaires de Milan, qu’il occupe en souverain. Il poursuit l’exécution des clauses qui sont convenues avec le Piémont, conclut des traités avec Rome, Naples et le duché de Parme ; il comprime en personne les mouvements de la Lombardie, qui vient de se révolter et il contient dans leur neutralité les états de Gênes et de Venise. Il sait bien que ces républiques sont fort mal disposées pour la France, mais il juge sagement que le temps de les faire s’expliquer plus ouvertement n’est pas encore venu.
Enfin, le château de Milan, qui avait résisté jusque-là, tombe dans les mains françaises, et le vainqueur en tire 150 pièces de canon qu’il fait diriger sur Mantoue. D’autres équipages de siège pris à Bologne, Ferrare, le fort d'Urbin, sont conduits par ses ordres vers le même point. Beaulieu, avant de quitter l’Italie, avait eu le temps de jeter 13.000 hommes dans la place, et 30.000 Autrichiens, détachés de l’armée du Rhin, accouraient pour la secourir.
Enfin, Wurmser est à la tête de 60.000 hommes pour faire lever le siège, et Bonaparte n’en a pas 40.000 à lui opposer ; sa position était fort embarrassante, ayant à combattre, d’un côté, contre une armée d’un tiers plus forte que la sienne ; et, de l’autre, à contenir une forte garnison, et garder en outre, tous les passages du fleuve, depuis Brescia jusqu’à Vérone et Legnano.
Le général en chef autrichien commet la faute grave de diviser ses forces en deux corps : 35 000 hommes sous ses ordres marchent droit sur Mantoue par la vallée de l’Adige, tandis que Quasdanovich marche avec 25 000 hommes sur Brescia.
Bonaparte profite habilement de la faute de ses adversaires : il quitte brusquement le siège de Mantoue (début du siège le 18 juillet 1796), et laisse devant la place sa grosse artillerie, concentre ses troupes à Roverbella, tombe sur Quasdanowich, le bat successivement à Salò et Lonato (3 août), et le force à se réfugier dans les montagnes du Tyrol. Cet heureux succès obtenu, il court sur Wurmser, le bat complètement à la Bataille de Castiglione (5 août), passe le Mincio en sa présence et le rejette dans le pays de Trente.
Ces divers combats, qui durèrent de puis le 1er jusqu’au 5 août, et que, pour cela, les Français appelèrent la bataille des cinq jours, coûtèrent à l’Autriche plus de 20.000 hommes et 50 pièces de canon.
Bonaparte, après ses avantages, se met à la poursuite de Quasdanowich, l’atteint, le bat à Serra-Valla, Ponte-San-Marco, Roveredo, et dans les gorges de Calliano.
Cependant Wurmser avait repris le chemin de Mantoue, et son armée filait par les gorges de Brenta. Bonaparte, qui a prévu ce mouvement, abandonne le Tyrol et va se montrer aux Autrichiens à Bassano del Grappa (8 septembre), aux gorges de Primolano, au fort de Cavalo.
Néanmoins Wurmser, séparé encore une fois du corps de Gnosdanovich, trouve enfin le moyen d’entrer dans Mantoue. Cette place, dont la garnison vient de recevoir un renfort si considérable, semble pouvoir soutenir victorieusement les attaques des assiégeants, d’autant plus qu’une nouvelle armée arrivait pour la secourir. L’Autriche, victorieuse sur le Rhin, résolut de reprendre à tout prix les possessions qu’elle avait perdues en Italie et de faire lever le siège de Mantoue.
Une nouvelle armée autrichienne surgit, commandée par Alvinczy, général expérimenté : elle est chargée d’aller faire cette conquête à la tête de 45 000 hommes. Ce général commet la même faute que Wurmser : il partage ses forces : il laisse 15 000 hommes à Davidovitch, avec ordre de descendre les vallées de l’Adige, et lui-même se dirige sur Mantoue, par le Véronnais, avec 30 000 hommes.
Dans ce moment, le général français, affaibli par les combats et les garnisons qu’il a dû laisser dans les forteresses qu’il a prises, ne peut disposer que de 33 000 hommes ; mais, par la hardiesse de ses mouvements, par les savantes dispositions qu’il sait prendre à propos, il supplée avantageusement à l’insuffisance de ses moyens.
Les Français perdirent du terrain face à Alvinczy à Bassano (9 novembre) et face à Davidovitch à Calliano (12 novembre).
Au moment où l’on s’y attend le moins, il abandonne le blocus, place 3 000 hommes à Vérone, se porte rapidement sur Ronco, jette un pont sur l’Adige, le traverse avec l’armée, et prend le chemin d’Arcole, lieu devenu célèbre à jamais par l’action meurtrière que les deux armées se livrèrent dans ses environs. 

Les français prendront leur revanche à San Massimo all'Adige hameau de Vérone (victoire de Caldiero) et à la Bataille du pont d'Arcole (15 au 17 novembre).
Désespérant de réussir sur ce point, il prend la résolution de retourner à Ronco et dérobe sa marche à Alvinzi. Il fait allumer des feux sur la chaussée d’Arcole, et, le lendemain, il se trouve libre de livrer bataille à celui des trois corps autrichiens qu’il lui plaira ; il choisit le plus fort, celui d’Alvinzi, qu’il repousse au delà de Vicence
, après lui avoir tué 5.000 hommes, fait 8.000 prisonniers, et pris 30 pièces de canon.
Le général Joubert, quant à lui, vainc Davidovitch le 19 novembre à Campara, et l'oblige à se réfugier dans le Tyrol. Wurmser qui commande le troisième corps, n’a que le temps de rentrer dans Mantoue, où il se voit de nouveau bloqué par Sérurier
.
Cependant les Autrichiens, ne désespèrent pas, malgré leurs nombreuses défaites, de faire tourner la fortune en leur faveur. Alvinzi et Provera descendent tout à coup du Tyrol à la tête d’une armée nouvelle et nombreuse. Provera se dirige sur Mantoue avec 12.000 hommes ; Alvinzi, avec le gros de l’armée, se met à la poursuite de Joubert, qui se retire sur Rivoli : Bonaparte, qui n’avait que 20.000 hommes disponibles pour livrer bataille, donne ordre à Joubert de tenir ferme à Rivoli, et il va attendre l’ennemi derrière cette position.
Le général autrichien, trop confiant dans la supériorité de son armée, en détache une partie sous les ordres du général Lusignan, et il s’engage avec le gros de ses forces dans les vallées de l’Adige et de la Carona
, dont le plateau de Rivoli est le nœud.
Il s’empare de ce plateau, sur lequel il place 2.000 hommes ; mais au moment où il se croit maître de la division Joubert, il se voit coupé ; le plateau de Rivoli
est pris, et ceux qui le gardaient mettent bas les armes. Enfin la colonne de Lusignan vient attaquer l’armée française sur ses derrières : elle est prise presque en entier par Masséna avec son général.
Le 16 janvier, Bonaparte gagna sur Provera aux portes de Mantoue. Wurmser est repoussé dans Mantoue, et dix-sept jours après, ayant vu détruire sous ses murs les restes de la quatrième armée autrichienne, il se voit dans la nécessité de capituler le 17 janvier. Ces succès de Bonaparte sont encore rehaussés par les revers subis à la même époque par Jean-Baptiste Jourdan et Jean Victor Marie Moreau
, ainsi que par les millions envoyés d'Italie au Directoire.
Les batailles de Rivoli et de la Favorite, et la prise de Mantoue, coûtèrent, en trois jours, à l’Autriche, 45.000 hommes tués ou faits prisonniers et 600 bouches à feu.
Le général en chef, pour punir le pays d’avoir enfreint l’armistice de Bologne, lui impose le traité de Tolentino
.
En moins de douze mois, à l’âge de 28 ans, Bonaparte a détruit quatre armées autrichiennes, donné à la France une partie du Piémont, fondé deux républiques en Lombardie, conquis toute l’Italie, depuis le Tyrol jusqu’au Tibre
, signé des traités avec les souverains du Piémont, de Parme, de Naples, de Rome.
Le grand guerrier et le grand politique marchent de front. Toute la France a les yeux sur Bonaparte et ne regarde que lui ; le Directoire, dont il a éclipsé la considération et le pouvoir, l’invite plutôt qu’il ne lui commande, à poursuivre ses conquêtes et à marcher sur la capitale de l’Autriche
.
Cette puissance, atterrée par la chute de Mantoue et se voyant menacée dans ses propres États, ordonne à l’archiduc Charles d’aller, avec l’élite de l’armée qu’il commande, sur le Rhin
, s’opposer en Italie aux progrès de Bonaparte.
Celui-ci, apprenant la marche de son noble adversaire, fait mettre en mouvement une armée de 53 000 hommes, à laquelle s’étaient réunies la division Delmas et la division Bernadotte.
Continuant sur sa lancée, le conquérant chercha à gagner Vienne. Bonaparte, à la tête d’une division de 37 000 hommes, emporte Tarri. Il passa la Piave. Il envoie trois autres divisions forcer le passage du Tagliamento, défendu par l’archiduc en personne : elles obtiennent l’avantage. Elles passent le col de Tarvis sans que les Autrichiens de l'archiduc Charles puissent l'arrêter (mouvement du 1er au 21 mars
).
Elles poursuivent ce prince sur l’Isonzo, et s’emparent de l’importante forteresse de Palmanova ; et vingt jours plus tard, l'archiduc, ayant perdu le quart de son armée, est obligé de se retirer sur Saint-Weith et sur la Muhr
.
Cependant, Bonaparte avait détaché 16 000 hommes sous la conduite du général Joubert, qui culbute les généraux Alexis Laudon et Kerpen et force tous les défilés du Tyrol, pendant que Bernadotte marchait sur Leybach
.
Enfin, le 31 mars, un an après son départ de Nice, le vainqueur, arrivé à Klagenfurt, a la générosité d’offrir la paix à l’Autriche, qui, d’abord, a l’insolence de la refuser. L’armée républicaine se remet en marche. Masséna force les défilés de Neumarkt (aujourd'hui Egna), s’empare de la position d’Hunsdmark
.
Le moment approchait ou une grande bataille allait décider du sort de Bonaparte et de celui de la maison d'Autriche ; mais deux ennemis se rendirent au quartier général français, et le 7 avril un armistice est accordé à Indenburg, et le 15, les préliminaires de la paix sont convenus à Leoben. Les Français sont à cent kilomètres de Vienne lorsque des pourparlers de paix furent entamés avec Merveldt

La dépêche du 19 avril, qui apprend au Directoire
la signature des préliminaires, lui révèle aussi toute l’indépendance de son général, et peut lui donner des craintes sur un avenir que sa politique inquiète et jalouse n’a pas deviné. 
Bonaparte ne demanda pas d'instructions au Directoire. Dès ses premières victoires, il montra son indépendance en faisant la loi en Lombardie
.
Pendant que Bonaparte marchait sur Vienne par les défilés de la Carinthie, les nobles et le clergé vénitiens levaient des troupes pour l’empêcher de rentrer en Italie ; et tandis qu’il stipulait à Léoben la cessation de l’effusion du sang, le meurtre des Français commandé par le Sénat, était prêché dans toutes les églises. La deuxième fête de Pâques, au son des cloches, tous les Français qui se trouvaient à Vérone
sont égorgés. Ce crime sera à jamais connu sous le nom de Pâques véronaises.
De tels attentats ne pouvaient rester impunis : l’aristocratie vénitienne est détruite, et le lion de Saint-Marc renversé, pour toujours, par celui qui sera nommé réellement le libérateur de l’Italie. Le 16 vendémiaire an VI (7 octobre 1797), Bonaparte signa le traité de Campo-Formio par lequel l'Autriche donne à la République la possession des Pays-Bas autrichiens et renonce au Milanais, et s'engage à reconnaître à la France les territoires de la rive gauche du Rhin. La première coalition fut dissoute. Seule la Grande-Bretagne
ne déposa pas les armes
Après la concession de ce traité, Bonaparte, vainqueur et pacificateur, reçut ordre d’aller présider au congrès de Rastadt la légation française. Il y signa, avec le comte de Cobentzel
, la convention militaire relative à l’évacuation respective des deux armées.
Enfin, Bonaparte quitta Rastadt pour venir triompher à Paris ; il y fut reçu avec un enthousiasme extraordinaire. Le Directoire fut justement effrayé de cette puissance de gloire qu’il ne pouvait braver, ni récompenser dignement. Cependant, comme il ne pouvait se dispenser de s’associer d’une manière quelconque au triomphe du vainqueur de l’Italie, il se décida à lui donner, dans la cour du palais du Luxembourg
, une fête extraordinaire ; la pompe qu’il déploya dans cette occasion ne trompa personne, ni celui qui en était l’objet, ni la portion éclairée des spectateurs.
Cette fête eut lieu le 20 frimaire (10 décembre 1797), en présence de presque tous les ambassadeurs des puissances armées. La vaste cour du Luxembourg offrait, entre autres ornements, les drapeaux conquis par l’armée d’Italie, groupés et formant comme un dais au-dessus des cinq directeurs ; ils étaient pour eux, ce que justifièrent les événements, l’épée de Damoclès
.
Bonaparte, en remettant solennellement au pouvoir exécutif le traité de Campo-Formio, prononça un discours.
Quelques jours après, le héros fut fêté avec non moins d’éclat par les Conseils, dans la grande galerie du Musée, et le département donna le nom de Victoire à la rue Chantereine, dans laquelle il avait sa maison. L’Institut le choisit pour remplacer Carnot, alors proscrit comme royaliste.
Les lettres, les arts s’empressaient autour de lui ; le royaliste de Bonald lui offrit un de ses livres, et le républicain Jacques Louis David
son pinceau. 
L’ivresse, exaltait toutes les têtes ; aux théâtres et dans tous les lieux publics, on n’entendait que le cri de
Vive Bonaparte !
Cependant, pour donner de l’aliment à son activité naturelle et un peu de repos à la reconnaissance chagrine du Directoire, Bonaparte partit pour aller inspecter son armée dite d’Angleterre, dont il avait été nommé généralissime quelque temps auparavant. Après avoir parcouru les côtes du Nord, de la Normandie et de la Bretagne
, il revint à Paris, rempli d’un projet qui devait l’affranchir de la méfiance du Directoire et de la nullité d’un commandement dérisoire qui ne lui avait été donné que pour le tenir éloigné des affaires et dans l’inaction.
Ce projet avait pour but l'expédition d'Égypte ; l’idée de cette expédition lui était venue au milieu de ses triomphes en Italie : il s’en était ouvert, assure-t-on , au savant Gaspard Monge, lors de son séjour à Milan
.
À son retour de l’inspection des côtes de l’Océan, bien convaincu de la nullité du commandement qu’on lui avait donné sous le nom de général de l’armée d'Angleterre, et comprenant fort bien qu’il serait presque impossible d’étendre la guerre sur le territoire de cette puissance, entourée quelle est de mers de tous côtés, il conseilla au Directoire de l’attaquer dans ses possessions de l’Inde
, contre lesquelles il serait long sans doute, mais aisé pourtant de mener une armée par terre.
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