François-Dominique Toussaint Louverture, né le 20 mai 1743, mort en captivité le 8 avril 1803 au Fort de Joux, à La Cluse-et-Mijoux (Doubs), est le plus grand dirigeant de la Révolution haïtienne, devenu par la suite gouverneur de Saint-Domingue (le nom d'Haïti à l'époque).
D'après la tradition, il serait né à Saint-Domingue, sur la plantation Bréda, au haut-du-cap. Prosper Gragnon-Lacoste pour sa part fixe sa naissance au 20 Mai 1746, mais on sait peu de choses sur sa vie avant l'insurrection des esclaves qui dévasta le Nord, en Août 1791.
Il est reconnu pour avoir été le premier leader Noir à avoir vaincu les forces d'un empire colonial européen dans son propre pays. Né esclave, s'étant démarqué en armes et ayant mené une lutte victorieuse pour la libération des esclaves haïtiens, il est devenu une figure historique d'importance dans le mouvements d'émancipation des Noirs en Amérique.
Son grand-père, Gaou-Guinou, serait un Africain né au Dahomey (actuel Bénin), issu d'une famille royale d'Allada. Déporté à Saint-Domingue, son père Hippolyte Gaou fut vendu comme esclave au gérant de l'habitation du Comte de Bréda, dans la province du Nord, près du Cap-Français. C'est dans la plantation de ce domaine que naquit Toussaint, prenant alors le nom de son propriétaire, Bréda, comme le voulait l'usage. Son maître, M. Baillon de Libertat, était relativement humain. Il encouragea Toussaint à apprendre à lire et à écrire et en fit son cocher et le commandeur (c’est-à-dire le contremaître) de l'habitation.
Toussaint, malgré une petite taille (1m63) et une laideur qui lui valait le surnom de Fatras-Bâton, gagna une réputation d'excellent cavalier et de docteur feuille, maîtrisant la médecine par les plantes. Il épousa une femme libre du prénom de Suzanne Simon-Baptiste dont il eut deux fils : Isaac et Saint-Jean. Il adopta aussi un premier fils de Suzanne, le métis Placide, et eut une nombreuse descendance illégitime. Il fut affranchi en 1776, à l'âge de 33 ans. Selon les archives coloniales, il loua une ferme de café d'une ½ quinzaine d'hectares avec treize esclaves.
La Révolution française provoqua d'énormes répercussions dans l'île. Dans un premier temps, les grands Blancs (riches propriétaires, administrateurs et aristocrates locaux) envisagèrent l'indépendance, les petits Blancs (paysans, artisans et employés) revendiquèrent l'égalité avec les premiers et les gens de couleur libres.
En août 1791, les esclaves de la plaine du Nord se révoltèrent suite à la cérémonie de Bois-Caïman. Toussaint Bréda devint aide-de-camp de Georges Biassou, commandant des esclaves qui, réfugiés dans la partie orientale de l'île, s'allièrent en 1793 aux Espagnols qui l'occupaient pour renverser les français esclavagistes. Toussaint fut initié à l'art de la guerre par les militaires espagnols où il fut colonel (9 Juillet 1793). À la tête d'une troupe de plus de trois mille hommes, il remporta en quelques mois plusieurs victoires. On le surnomma dès lors Louverture. Il devint général des armées du roi d'Espagne.
Le 29 août 1793, Toussaint lança sa proclamation où il se présentait comme le leader noir :
« Frères et amis. Je suis Toussaint Louverture ; mon nom s'est peut-être fait connaître jusqu'à vous. J'ai entrepris la vengeance de ma race. je veux que la liberté et l'égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille à les faire exister. Unissez-vous, frères, et combattez avec moi pour la même cause. Déracinez avec moi l'arbre de l'esclavage. »
Votre très humble et très obéissant serviteur, Toussaint Louverture, Général des armées du roi, pour le bien public.
Mais il excita la jalousie de ses chefs, Jean-François et Biassou, qui fomentèrent un complot auquel il échappa, mais où il perdit son jeune frère Jean-Pierre. Le peu d'attention que lui montrèrent les Espagnols acheva de le convaincre que ceux-ci n'entendaient pas abolir l'esclavage.
La situation était différente avec les autorités françaises. Les commissaires de la République française, Léger-Félicité Sonthonax et Etienne Polverel, étaient en effet arrivés à Saint-Domingue en septembre 1792 pour garantir les droits des gens de couleur. L'île était envahie par la marine britannique et les troupes espagnoles, auxquelles s'étaient ralliés de nombreux blancs royalistes. Le 29 août 1793, le même jour que la proclamation de Toussaint, Sonthonax émancipa l'ensemble des esclaves pour que ceux-ci se joignent à la Révolution. Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention ratifiait cette décision en abolissant l'esclavage dans tous les territoires de la République française.
Par l'intermédiaire du général en chef Etienne Laveaux, les commissaires tentèrent de convaincre Toussaint de rejoindre la République. Ce n'est que le 5 mai 1794, que Toussaint effectua une volte-face. L'armée sous son commandement — qui comptait des soldats noirs, mulâtres et même quelques blancs — défit en quinze jours ses anciens alliés espagnols et enleva une dizaine de villes.
En un an, il refoula les Espagnols à la frontière orientale de l'île et vainquit les troupes de ses anciens chefs qui leur étaient restés fidèles. En juillet 1795, la Convention l'éleva au grade de général de brigade.
En mars 1796, il sauva Laveaux, malmené pour sa rigueur lors d'une révolte de mulâtres au Cap Français. En récompense, celui-ci le nomma lieutenant général de la colonie de Saint-Domingue. Le Directoire l'éleva au grade de général de division en août 1796.
Son talent n'était pas que militaire. Partout où il passait, il confirmait l'émancipation des esclaves. Il organisait la remise en marche des plantations en invitant les colons à revenir, y compris ceux qui avaient combattu contre la République, et ce, malgré l'avis des représentants de l'autorité française.
La lutte contre les Britanniques fut plus difficile. Toussaint ne put les déloger du Nord et de l'Ouest. Au Sud, le général mulâtre André Rigaud les contenait courageusement, mais sans les repousser.
Le retour de Sonthonax comme commissaire civil en mai 1796 constitua une ombre à l'ambition de Toussaint de diriger seul. Il réussit en septembre 1796 à faire élire Lavaux et Sonthonax comme députés auprès du Directoire afin des les renvoyer en métropole : le premier dès octobre, le second en août 1797.
Pour rassurer la France, il envoya ses deux fils aînés, Isaac et Placide, étudier à Paris à l'École de Liancourt (rebaptisée « Institut des colonies ») sous la direction de l'abbé Coisnon.
Grâce aux armes arrivées avec la commission de 1796, Toussaint disposait d'une armée de 51 000 hommes (dont 3 000 blancs). Il reprit la lutte contre les Britanniques et connut quelques succès, mais pas décisifs. Fatigués d'une telle résistance, les Britanniques se décidèrent à négocier. Toussaint sut écarter des négociations le dernier commissaire civil Julien Raimond, comme le dernier général en chef Hédouville, arrivé en mars 1798. Le 31 août 1798, les Britanniques abandonnèrent Saint-Domingue.
Pour se débarrasser d'Hédouville, Toussaint alerta les noirs du Nord. Le général ayant ordonné le désarmement des noirs, ceux-ci se révoltèrent le 16 octobre 1798, obligeant Hédouville à rembarquer précipitamment pour la métropole avec de nombreux blancs.
Délivré de tout contrôle, Toussaint se tourna contre son rival, le chef des mulâtres Rigaud. Profitant d'un incident, il le provoqua. Rigaud engagea les hostilités en juin 1799. Toussaint, secondé par Jean-Jacques Dessalines et Henri Christophe vainquit les troupes de son adversaire en un an au prix d'un bain de sang.
Décidé à remettre l'économie sur pieds, Toussaint publia le 12 octobre 1800 un règlement reconduisant le travail forcé des noirs sur les plantations tel qu'il avait été organisé par Sonthonax, Laveaux et Hédouville. Il y eut de nombreux mécontentements. À la fin octobre 1801, les noirs du Nord se révoltèrent, allant jusqu'à égorger les blancs. En quelques jours, Toussaint dispersa les révoltés et fit fusiller treize meneurs, dont son propre neveu, le général Moïse. Pour rallier les blancs à sa cause, il rappela les émigrés et proclama le catholicisme religion officielle.
Puis, voulant unifier l'île, il se tourna vers la partie espagnole de l'île qu'il conquit en un mois, en janvier 1801.
Le 9 mai 1801 il proclama une constitution autonomiste qui lui donnait les pleins pouvoirs à vie.
Malgré les proclamations de loyauté de Toussaint Louverture, Bonaparte s'inquiète du risque de perdre une colonie rentable, et cède aux arguments des grands propriétaires et des négociants qui veulent rétablir l'esclavage. Il décide alors d'envoyer son beau-frère, le général Leclerc, reprendre le contrôle de l'île à la tête d'une troupe de 30 000 hommes.
Le 20 janvier 1802, l'expédition de Saint-Domingue débarque sur l'île et se porte à l'assaut des partisans de Toussaint Louverture. Malgré quelques succès, le combat devient rapidement inégal et certains de ses officiers décident de rallier le camps des Français. Le 7 mai 1802, Louverture signe à Cap-Haïtien avec les Français un traité qui stipule notamment que l'esclavage ne sera pas rétabli sur l'île. Il se retire alors dans son domaine d'Ennery.
Trois semaines plus tard, sur une dénonciation de Dessalines, Leclerc arrête le 7 Juin 1802,Toussaint Louverture, soupçonné de complot et de rébellion, ainsi que sa famille. Le vaisseau le Héros les conduit alors en France à bord de la frégate "la créole" pour être conduit au Cap-Haïtien, il sera envoyé en France sur le batiment "le héros" avec sa femme, ses 3 fils, ses belles-filles Victoire Tuzac et Louise Catherine Chancy (1782-1871). Arrivé à Brest le 12 Juillet, il fut d'abord enfermé à la prison du temple à Paris, puis sur ordre de Napoléon, emprisonné au fort de joux le 23 août.
Le 25 août 1802, Toussaint est emprisonné au Fort de Joux, dans le Doubs, où il sera maintenu isolé et soumis à des interrogatoires répétés.
En Septembre, Bonaparte chargea le Général Caffarelli d'interroger le prisonnier sur sa politique internationale et d'obtenir des renseignements sur l'existence de ses trésors. Ils se verront 4 fois du 15 au 28 Septembre mais plutôt que d'envisager un procès, le pouvoir central préféra le laisser croupir en prison.
Il y mourra d'une pneumonie le 7 avril 1803 à 7h30 lorsque le chef de bataillon Amiot, gouverneur du fort le trouva mort dans sa cellule, assis sur une chaise, près du feu, la tête appuyée contre la cheminée, le bras droit pendant.
Peu de jour auparavant, il avait avoué avoir fait enterré 15 millions de Francs dans les Mornes, et il s'occupait de dresser d'après ses souvenirs le plan des lieux ou ce trésor était enfoui quand la mort le frappa. Le Poison avait haté la fin de ses jours mais personne ne le savait à cette époque et on en a jamais eu la preuve.
Il fut inhumé dans l'enceinte du fort.
Sa famille fut exilée à Bayonne, puis à Agen. Son 3ème fils y mourut ainsi que sa femme en 1816. Son fils Isaac mourut le 26 Septembre 1853 à Bordeaux.
Le gouvernement Français remettra une urne contenant ses restes mortels au gouvernement haïtien.
Certains de ses partisans jugés comme dangereux ou susceptibles de créer de l'agitation furent envoyés en France. Ceux qui ne furent pas assignés à résidence furent emprisonnés, notamment en Corse. Ils constituèrent plus tard une partie des hommes et officiers du Bataillon des Pionniers Noirs.
Malgré l'exil de Louverture, la révolte continua sous les ordres de Dessalines et les Français (menés par le général Donatien de Rochambeau) durent évacuer Cap Français en novembre 1803 après la bataille de Vertières. Dessalines proclama l'indépendance d'Haïti le 1er janvier 1804.